L’arrestation de Ratko Mladic a mis en lumière un nationalisme serbe qui semblait étouffé par la volonté d’adhésion à l’Union européenne. Depuis, des milliers de pro-Mladic se rassemblent en Serbie mais aussi dans l’entité serbe de Bosnie, la Republica Serpska, pour protester contre la "trahison" du président serbe Boris Tadic, qui a livré leur "héros" à la justice internationale.
A Banja Luka, capitale de la Republica Serpska, un pro-Mladic, Dejan Cutkovic, raconte à Europe1.fr que des milliers de personnes rassemblées mardi "ont chanté des chants patriotiques, en l’honneur de Mladic". Alors que la Serbie se rapproche d’une candidature à l’UE, où en est le nationalisme ? Simon Rico, rédacteur en chef adjoint du Courrier des Balkans, fait le point pour Europe1.fr.
Le nationalisme serbe est-il encore vivace ? Le nationalisme serbe existe toujours, la preuve. Mais il est très clairement en perte de vitesse. Moins de 10.000 personnes rassemblées dimanche à Belgrade contre l’arrestation de Ratko Mladic, c’est plus un baroud d’honneur. Au vu de la publicité qui avait été faite autour de l’événement, c’est même un échec.
Pour la manifestation d’aujourd’hui [mardi] à Banja Luka, les organisateurs ont dû faire venir des Serbes de Serbie, pour gonfler les chiffres.
Les nationalistes n’ont clairement plus la même force de frappe qu’en 2008, où la mobilisation qui avait suivi l’arrestation de Radovan Karadzic (autre criminel de guerre inculpé par le TPIY) avait été nettement supérieure.
Qu’est-ce qui a changé depuis ? Le changement majeur est la scission des ultra-nationalistes fin 2008, entre d’un côté l’ex-président du SRS (le Parti radical serbe, ndlr) Vojislav Seselj, emprisonné à La Haye, et son ancien poulain Tomislav Nikolic, qui s’est rallié aux pro-européens. Alors qu’à la présidentielle de 2008, Tomislav Nikolic avait clairement fait campagne contre l’Europe, il a vraiment affaibli sa position nationaliste.
Certes, il existe toujours un terreau favorable au nationalisme en Serbie, très touchée par la crise économique et la crise sociale. Mais si même Nikolic rejoint la cause européenne, c’est que tout le monde a compris que pour que la Serbie s’en sorte, le seul moyen est l’adhésion à l’UE.
Il y a donc eu une évolution, mais elle sera longue, il reste encore une partie de la population attachée au nationalisme.
A quoi se raccrochent les nationalistes ? A un passé, plus glorieux pour la Serbie, la "Grande Serbie" de Tito, un pays fort sur un plan diplomatique. Mais c’est plus une résurgence du passé qu’autre chose.
C’est pourquoi Ratko Mladic est toujours considéré comme un héros. Certes, 50% des Serbes, selon les sondages, s’opposent à son extradition, mais c’est un héros du passé. Si dans certains endroits, comme à Banja Luka, on vend encore des T-shirts à l’effigie de Mladic ou de Karadzic, c’est surtout du folklore. Il reste des signes du nationalisme, mais il ne faut pas les surinterpréter.