Le cas de Roméo Langlois est toujours dans l'impasse. Et pourtant, la Colombie cherche déjà à établir les responsabilités concernant la capture, le 28 avril dernier, du journaliste français par la guérilla des Farc. La décision d'embarquer, dans une opération de l'armée, un journaliste agite l'opinion colombienne qui s'interroge sur le travail de Roméo Langlois. Europe1.fr fait le point sur l'affaire.
Les Farc accusent l'armée. Après sa capture, la guérilla a déclaré Roméo Langlois, "prisonnier de guerre". Le motif ? Le journaliste français portait un casque et un gilet pare-balles de l'armée qui menait, ce jour-là, une opération anti-drogue. Désormais, ils conditionnent sa remise en liberté à un "débat" sur l'information dans le pays.
Un journaliste colombien de l'agence Anncol, considéré comme un proche des Farc, a proposé mardi la libération du fondateur de cet organe de presse, emprisonné depuis un an, en échange du correspondant français. "Nous voulons proposer un échange de prisonniers de guerre", a annoncé Luis Ernesto Almario, journaliste vivant actuellement en exil en Australie, dans une déclaration à la radio W de Bogota. Membre du "Comité international de libération de Joaquin Perez", Luis Ernest Almerio assure également que le fondateur d'Anncol et le journaliste français sont "tous les deux des prisonniers de guerre. "Si on attrape quelqu'un au milieu d'un combat, c'est un prisonnier de guerre. On parle d'enlèvement, mais quel enlèvement ? Il était aux côtés de l'armée et a été capturé durant un combat", a argumenté le journaliste d'Anncol.
L'armée prise sous le feu des critiques. De l'aveu du général Javier Rey, commandant de l'aviation de l'armée colombienne, l'équipe d'une trentaine de militaires, accompagnée par le journaliste, a été prise à partie sous le feu de quelque 200 guérilleros après avoir été déposée par des hélicoptères. Dès le début de l'attaque, un hélicoptère a tenté en vain de récupérer le journaliste, mais les tirs l'ont empêché de se poser. "Les deux militaires à côté de Roméo pour assurer sa sécurité ont été tués", a déclaré Javier Rey la semaine dernière, précisant que le mauvais temps avait empêché les renforts d'intervenir efficacement pendant plusieurs heures. Selon le responsable, 130 opérations anti-drogue similaires ont eu lieu en 2001 et 35 cette année sans incident dans cette même région.
Des voix se sont également élevées contre l'organisation même de la mission anti-drogue, s'interrogeant sur le niveau de précaution pris par l'armée dans ce fief de la principale guérilla du pays qui compte encore au total 9.200 combattants. Le "Caqueta est un département plein de risques pour la sécurité. Les militaires auraient dû s'attendre à une résistance armée", a affirmé Jorge Restreop, directeur du Centre d'analyse du conflit, cité par le quotidien colombien El Espectador.
Une "décharge" signée par Roméo Langlois ? Le général Alejandro Navas, commandant des forces armées colombiennes, a précisé que Roméo Langlois avait signé auparavant un document dans lequel le correspondant français "exonérait les forces armées de toute responsabilité". "Nous devons prendre en compte que ce fut un acte volontaire de la part du journaliste français. Il faisait un travail sur l'interdiction du narcotrafic en Colombie, il ne travaillait pas pour l'armée", a-t-il souligné. Le correspondant de France 24 aurait signé cette décharge de responsabilité le 25 avril, soit trois jours avant l'opération, selon une autre source militaire.
L'ex-président Alvaro Uribe a lui même chargé Roméo Langlois. L'ancien président est sorti de sa réserve pour donner son avis sur la personnalité du journaliste qui l'avait interviewé en 2011. Selon l'ancien homme fort de la Colombie, le journaliste l'a abordé de façon "grossière" et affirme qu'il a peu confiance "en cet individu" qu'il a jugé "agressif", affirme-t-il dans une interview à la radio Colmundo. "S'il avait l'autorisation d'être là, quelle était la raison de la présence de cet individu?", s'est interrogé Alvaro Uribe.
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Pour la journaliste du quotidien El Tiempo, Jineth Bedoya, les reporters n'ont cependant pas d'autre choix que d'accompagner une unité militaire, d'autant que la guérilla s'est repliée dans des zones rurales difficiles d'accès. Et il n'est pas rare de devoir signer une décharge de responsabilité. "J'ai moi même signé plusieurs fois ce document. On reconnaît assumer la responsabilité de prendre un véhicule militaire dans des situations où l'on pense qu'il pourrait y avoir un affrontement", explique la journaliste. Selon elle, "il n'y a pas d'autre façon de couvrir le conflit en Colombie".
La justice ouvre une enquête. Le procureur général de Colombie, Alejandro Ordoñez, a ouvert en début de semaine une enquête préliminaire afin de déterminer d'éventuelles défaillances de la part de l'armée. "Il a été décidé d'enquêter afin de savoir qui a autorisé (l'opération) et s'il est vrai qu'il portait une tenue militaire".