Russie et Ukraine ont beaucoup à perdre dans un conflit

Le gaz, un enjeu majeur de la relation économique entre Ukraine et Russie. (Photo d'illustration)
Le gaz, un enjeu majeur de la relation économique entre Ukraine et Russie. (Photo d'illustration) © MAXPPP
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ZOOM - Au-delà du gazoduc russe qui traverse l’Ukraine, l’héritage soviétique a profondément lié les économies ukrainienne et russe.

Conflits gaziers. Quand les Russes coupent le robinet à gaz, c’est toute l’Ukraine qui frémit. Après plusieurs périodes de conflits autour du prix du gaz entre Kiev et Moscou entre 2005 et 2008, la hausse des prix de l’énergie est même l’une des raisons principales du déchirement entre partisans d’un accord de libre-échange avec l’UE et tenants d’une intégration de l’Ukraine à l’union douanière russe. Signe de l’importance du gaz russe dans la relation entre ces deux pays, le Kremlin vient de mettre fin aux accords qui donnaient à l’Ukraine le droit à un tarif préférentiel sur l’énergie russe. De son côté, la Russie développe depuis plusieurs années deux projets de gazoducs qui contournent la Russie. L’un, qui passe au nord par la mer Baltique, a été baptisé Nordstream. Il fonctionne depuis 2011, date à laquelle il a été inauguré en présence de Vladimir Poutine. L’autre, au Sud, est encore en construction et rencontre des difficultés en Bulgarie. Ces deux projets prouvent que la Russie tente à tout prix de ne plus dépendre de son gazoduc ukrainien.  

Poutine

Unies par le poids de l’Histoire. Malgré cette évidente addiction ukrainienne au gaz russe, besoin que partage largement l’Union européenne (80% de l’énergie utilisée chez les 27 devrait provenir des gazoducs russes en 2030), la relation entre les deux pays tient plus de l’interdépendance. Une longue histoire d’amour-haine, où les deux partenaires, malgré des drames déchirants (dont la famine Holomodor, organisée par le Kremlin en 1932 et qui tua 2.5 millions d’Ukrainiens constitue l’un des souvenirs les plus traumatisants), ne peuvent se quitter. Les économies de l’Ukraine et de la Russie sont profondément unies par le poids de l’Histoire. Dès la période impériale, de nombreux Ukrainiens s’enrichissent grâce au commerce du sucre avec les commerçants russes. Ils intègrent la cour et frayent avec la noblesse.

La Russie aussi a besoin de l’Ukraine. "Perdre l’Ukraine, c’est perdre la tête" disait Lénine. Quasiment un siècle plus tard, l’Ukraine reste un partenaire important pour les Russes. Rien d’étonnant tant les économies des deux pays ont grandi sous la même coupe : celle de l’économie soviétique et des plans quinquennaux. A l’époque, l’Ukraine est considérée évidemment comme le "grenier à blé de l’URSS", mais aussi comme sa Silicon Valley. Dans les années 50, les soviétiques installent leurs industries de haute-technologie, dans le but de remporter la course à l’espace engagée contre les Etats-Unis. L’université de Kiev est alors en pointe dans l’informatique et les premiers prototypes des ordinateurs "communistes" du monde viennent d'Ukraine. 

Lénine

Sans l'Ukraine, les trains russes ne roulent pas. Dans une de ses études datée de 2011, la fondation Robert Schuman rappelle à quel point l’Ukraine a besoin de la Russie, mais aussi combien la Russie a besoin de l’Ukraine, et ce dans de nombreux domaines industriels. "Les wagons de chemin de fer utilisés en Russie sont assemblés en Ukraine", ce qui constitue "l’une des principales exportations ukrainiennes vers la Russie".     

Des ingénieurs russes pour les usines ukrainiennes. Autre héritage de l’histoire, l’Ukraine, qui accueillait un grand nombre des centrales nucléaires soviétiques, exporte désormais de l’électricité en Russie grâce à ces mêmes infrastructures. Mais pour produire cette électricité, les centrales ukrainiennes fonctionnent grâce à du "combustible nucléaire russe". Ultime aller-retour entre les deux pays, l’uranium, à l’origine de ce combustible, est lui-même extrait en Ukraine. Transports, énergie et même aéronautique, puisque les grands chantiers navals ukrainiens, développés durant la période communiste, sont toujours en activité. Ils fournissent du travail à des cohortes d’ingénieurs, dont la plupart viennent… de Russie. 

Une intervention russe, trop cher pour le Kremlin ? C’est en tout cas la conclusion à laquelle est arrivée Vladimir Osakovsky, un analyste de Merril Lynch. "Le coût direct d’une guerre pour la Russie devrait atteindre au moins 3% du PIB du pays, soit 30 milliards de dollars, en plus des perturbations dans les exportations de gaz que l’intervention entraînerait." Vladimir Osakovsky rappelle que "le marché ukrainien pèse 30 milliards de dollars en exportations pour l’économie russe, sans compter les répercussions négatives d’une guerre sur les relations commerciales du pays avec d’autres partenaires ". 

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