Russie : pourquoi Poutine gracie Khodorkovski

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DÉCRYPTAGE - Le président russe a créé la surprise en annonçant qu’il graciait son ennemi juré.

L’INFO. Vladimir Poutine aime les coups de théâtre. Il l’a encore démontré jeudi, en attendant la fin de sa conférence de presse fleuve pour déclarer qu’il allait gracier l’ex-magnat du pétrole Mikhaïl Khodorkovski, son ennemi juré, qui croupit en prison depuis plus de dix ans. Une vraie surprise, car "on a toujours dit que tant que Poutine serait au pouvoir, Khodorkovski resterait en prison", souligne Tatiana Kastouéva-Jean, chercheuse au centre Russie/NEI de l’Ifri, interrogée par Europe1.fr. Et une annonce faite au moment où deux membres des Pussy Riot, elles aussi critiques envers le pouvoir, pourraient retrouver la liberté grâce à une loi d’amnistie. Le maître du Kremlin serait-il devenu magnanime ? Il est surtout fin stratège et prêt à consentir à ce petit sacrifice pour redorer l’image de la Russie.

Qui est Mikhaïl Khodorkovki ? Ancien patron du groupe pétrolier Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski était considéré comme l’un des oligarques les plus riches et les plus puissants de Russie. Jusqu’à sa condamnation en 2005 à huit ans de camps pour "escroquerie et fraude fiscale", une peine portée à 14 ans après un deuxième procès. Il devait être libéré en août 2014, mais le parquet avait dit enquêter sur d'autres affaires le concernant. Lui qui avait osé afficher des ambitions politiques et son indépendance est devenu, aux yeux des défenseurs des droits de l’Homme, un symbole de la dérive autoritaire de la Russie de Vladimir Poutine.

mikhaïl khodorkovski, 460, REUTERS

Que lui a promis Poutine ? Jusqu’à présent, Mikhaïl Khodorkovski refusait de présenter une demande en grâce. Il a fini par sauter le pas, sans prévenir sa famille, ni ses avocats, et sa demande a été, contre toute attente, acceptée par Vladimir Poutine. Le président russe a fait cette annonce après sa conférence de presse annuelle, expliquant de l’ex-oligarque avait "déjà passé plus de dix ans en détention" : "c’est une punition sérieuse, il invoque des circonstances d’ordre humanitaire - sa mère est malade". Vladimir Poutine a aussi confirmé jeudi que les deux membres des Pussy Riot encore emprisonnées allaient être libérées, dans le cadre cette fois d’une loi d’amnistie adoptée par le Parlement.

Vladimir Poutine et la flamme olympique, 930

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Comment comprendre cette décision ? Pour la spécialiste de la Russie Tatiana Kastouéva-Jean, la décision de Vladimir Poutine est "un bon coup de communication, que Poutine avait tout intérêt à faire et qui pourrait lui apporter des dividendes économiques et politiques". Malgré des victoires sur le plan international, en Syrie, avec l’affaire Snowden ou en Ukraine, "l’image de la Russie n’a pas arrêté de se dégrader depuis le début du troisième mandat de Poutine". Et puis il y a aussi les JO de Sotchi, "un projet qui tient personnellement à cœur" au président russe. Quant à l’économie russe, elle "connaît un ralentissement très fort".

Alors, "pour bien finir l’année, il fallait un gros coup pour jouer sur tous ces plans là". Relâcher l’ex-magnat du pétrole, cela "crée un effet de surprise dont le président Poutine a le secret". "Cela donne un contre-argument à tous ceux qui parlent de la Russie comme d’un pays de l’oppression" et "permet de redresser l’image" du pays. Sur le plan économique, "c’est aussi un signe pour les investisseurs qu’il y a quelque chose qui change".

poutine G8 930

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Faut-il s’attendre un changement de cap du Kremlin ? Quelque chose qui change, mais jusqu’à quel point ? Pour la chercheuse de l’Ifri, le "coup" du Kremlin "ne veut pas du tout dire un assouplissement ou un changement total de la stratégie". Vladimir Poutine "va rester très dur sur ce qui peut remettre en cause son pouvoir et sa puissance". Or, si Mikhaïl Khodorkovski a pu sembler à une époque menaçant pour le Kremlin, critiquant le pouvoir et finançant l’opposition, il a prévenu qu’il ne voulait plus faire de politique, ni participer à la vie économique, souligne Tatiana Kastouéva-Jean. En clair, pour Vladimir Poutine, le risque était "vraiment minime". Pour le maître du Kremlin, en libérant son ancien ennemi, il y a beaucoup à gagner, et "pas grand-chose à perdre".

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