Avant d'entrevoir le bonheur mercredi, après 2.603 jours de prison, Florence Cassez a connu beaucoup de moments difficiles. Et elle a dû attendre la fin d'une intense et indécise séance de la Cour suprême du Mexique pour entendre les mots magiques : soit l'annulation "pure et simple" de sa condamnation et sa "libération immédiate et absolue". Comme l'a déclaré sa mère, Charlotte, une fois la bonne nouvelle apprise : "Elle a mérité sa liberté, elle est extraordinaire". Retour sur ces sept ans de cauchemar qu'a vécu Florence Cassez dans sa prison mexicaine, entre doutes et espoirs.
>> EXPLICATIONS - Comment la justice a basculé
9 décembre 2005 : l'arrestation. Installée au Mexique depuis deux ans, Florence Cassez est arrêtée dans le ranch de Las Chinitas, près de Mexico, où elle vit en compagnie d'Israël Vallarta, son ex-compagnon. Ce dernier est soupçonné d'être à la tête d'une bande de kidnappeurs. Présentée comme un reportage en direct, cette arrestation n'est en fait qu'une reconstitution, comme l'ont martelé les deux interpellés, qui assurent avoir été arrêtés la veille. Les trois otages libérés dans ce même reportage incrimineront par la suite Florence Cassez, l'un dès la semaine suivante, les deux autres deux mois plus tard après avoir modifié leur déclaration.
27 avril 2008 : la condamnation. La sentence tombe en ce printemps 2008, plus de deux ans après les faits. Considérée comme complice d'Israel Vallarta - qui la disculpait pourtant - la jeune femme originaire de Béthune est condamnée à 20 ans de prison pour chacun des quatre enlèvements, huit ans pour association de malfaiteurs, quatre ans pour possession d'armes et quatre ans pour possession de munitions. Soit 96 ans au total, les peines se cumulant au Mexique. Sans attendre, la Française fait appel et crie son innocence. "J'ai besoin que la France se bouge, j'ai vraiment besoin que Nicolas Sarkozy écoute ma voix et qu'il mette le nez dans mon dossier", dit-elle. Un dossier qu'elle qualifie de "clair, transparent". "Un enfant de 12 ans comprendrait les anomalies, les mensonges, la farce qu'il y a" dedans, ajoute-t-elle encore sous le choc d'une lourde condamnation à laquelle elle ne s'attendait pas.
3 mars 2009 : un nouveau revers. Le procès en appel lui permet seulement de "gagner" 36 ans sur sa durée d'incarcération. Les juges ne retiennent que trois des quatre enlèvements. Sa condamnation passe à soixante ans, la peine maximale prévue par la justice mexicaine. Le lendemain, Bernard et Charlotte Cassez, ses parents, décident d'en appeler à Carla Bruni-Sarkozy dans une lettre. Alors que le couple présidentiel doit se rendre au Mexique pour une visite officielle trois jours plus tard, les parents de la détenue demandent dans le courrier à ce que Carla Bruni aille voir leur fille en prison, une visite qui ne se fera finalement pas.
10 février 2011 : la condamnation définitive. La Cour de cassation mexicaine rejette le recours déposé par Florence Cassez. Pourtant, un an plus tôt, le parquet avait reconnu que les images de l'arrestation n'étaient qu'une reconstitution. Cette décision de justice va tendre les relations entre la France et le Mexique, d'autant que Felipe Calderon, le président mexicain, s'oppose depuis plusieurs mois à un éventuel transfèrement de Florence Cassez dans une prison française. Le 14 février 2011, le gouvernement mexicain se retire de l'Année du Mexique en France après que Nicolas Sarkozy a décidé de dédier cet événement à la Française. C'est le début d'une crise diplomatique entre les deux pays..
Mars 2012 : le tournant. L'espoir revient au mois de mars 2012 pour Florence Cassez. D'abord le 7 mars. Ce jour-là, le rapporteur de la Cour pointe plusieurs irrégularités dans un rapport sur l'affaire Cassez et demande sa libération "immédiate et absolue". La mise en scène de son arrestation ne fait désormais plus de doutes pour le juge Arturo Zaldivar, qui a listé d'autres irrégularités, comme le fait qu'elle n'ait pas été présentée au parquet dans les deux heures suivant son arrestation ou le fait que le consulat de France n'ait été immédiatement prévenu. Quinze jours plus tard, quatre juges de la Cour suprême sur cinq valident le rapport. Mais sa proposition de libération n'est votée que par deux, d'entre eux, deux autres s'y opposant, et le dernier se prononçant pour un renvoi devant la justice. Début janvier 2013, la juge Sanchez reprend les trois propositions de son prédécesseur, et les cinq juges de la Cour suprême ont dont voté sa libération le 23 janvier. Florence Cassez attendait leur décision au "centre féminin de réadaptation social" de Tepepan, la prison où elle est enfermée depuis sept ans. Là où Frank Berton, son avocat, est venu la chercher une fois la décision rendue. "Dans quelques minutes, elle va sortir", a-t-il lancé, radieux, à la sortie de la salle d'audience.