Salafistes, les raisons d'un succès

Le parti El-Nour a regroupé 25% des voix alors que les candidats salafistes étaient crédités de seulement 5 à 10% des suffrages
Le parti El-Nour a regroupé 25% des voix alors que les candidats salafistes étaient crédités de seulement 5 à 10% des suffrages © REUTERS
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DÉCRYPTAGE - Europe1.fr résume les enjeux de leur percée électorale, aux législatives en Égypte.

Le printemps arabe va-t-il laisser place à un automne islamiste ? La question se pose après les résultats de la première phase des élections législatives en Égypte, dimanche où les partis religieux sont en effet arrivés largement en tête. Si le succès des Frères musulmans, qui ont recueilli 37% des suffrages, n'est pas surprenant, la percée des salafistes crée la surprise.

Le parti El-Nour a en effet regroupé 25% des voix alors que les candidats salafistes étaient crédités de seulement 5 à 10% des suffrages. Finalement, ils devancent largement le Bloc égyptien, une coalition de partis libéraux et laïcs, qui n'a réussi à séduire que 13% des votants.

Qui sont les salafistes ? Comment expliquer leur succès ? Quel est leur programme ? Une alliance est-elle possible avec les Frères musulmans ? Alors que débute la deuxième phase des élections législatives, dont les résultats définitifs seront connus le 11 janvier, Europe1.fr résume les enjeux de cette percée électorale.

Que prônent-ils ? Les salafistes défendent un islam rigoriste, basé sur une observance littérale des préceptes du Coran, contrairement aux Frères musulmans qui incarnent l'image d'un d'islamisme modéré.

Concrètement, les salafistes souhaitent une application stricte de la charia, veulent renforcer l'éducation religieuse et réclament le port d'une longue barbe et de l'habit traditionnel pour les hommes, celui du niqab pour les femmes. Ils s'opposent par ailleurs à la mixité ou à la consommation d'alcool.

"Ce sont des talibans de l'Égypte. Dans leur doctrine, les touristes n'ont pas le droit de venir administrer les temples pharaoniques païens. Ils voudraient séparer les hommes et les femmes sur les pages et interdire l'alcool", résume Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes au Parisien.

"Selon eux, la démocratie est un concept importé par les Occidentaux. Ils reprochent d'ailleurs aux Frères musulmans de s'être soustraits aux principes de démocratie", résume Bernard Botiveau, directeur de recherche émérite au CNRS, interrogé par Europe1.fr.

Comment expliquer leur succès électoral ? "Les Frères musulmans incarnent l'opposition officielle et les salafistes l'opposition informelle. D'une certaine manière, les salafistes incarnent la nouveauté. C'est ce qui les rend crédibles", analyse Bernard Botiveau.

Toutefois, les salafistes égyptiens n'ont pas d'antériorité politique. Contrairement aux Frères musulmans, qui représentent la plus ancienne organisation panislamiste sunnite, les salafistes ne constituaient pas une force d'opposition politique sous Hosni Moubarak chassé du pouvoir le 11 février dernier. Leur champ d'action était strictement religieux, alors que la doctrine des Frères musulmans s'organisait autour du dogme du "Tawhid", la fusion du religieux et du politique.

Que représentent-ils en Égypte ? A l'instar des Frères musulmans, les salafistes incarnent l'une des principales forces d'opposition du pays. "Leur existence est ancienne. De fait, ils bénéficient d'associations religieuses structurées. Ils possèdent également certains élus parlementaires, en Jordanie par exemple", commente Bernard Botiveau, directeur de recherche émérite au CNRS, interrogé par Europe1.fr.

Quel rôle peuvent-ils jouer ? Si les bons scores du parti salafiste se confirment, il occupera une place non-négligeable à l'Assemblée. Ces derniers devront donc entamer des négociations avec différentes forces politiques.

Les Frères musulmans ont déjà fait savoir qu'une alliance avec les salafistes était "prématurée et le fruit d'une spéculation des médias", publiait la confrérie dans un communiqué.

"Les Frères musulmans se méfient des salafistes radicaux. Les alliances se feront donc de manière pragmatique et varieront selon les questions", estime Bernard Botiveau. "Ce n'est pas judicieux pour un parti qui veut prendre le pouvoir de faire le seul choix des salafistes", précise Moaaz Mahmoud, un chercheur en science politiques, contacté par Libération.

"Les Frères musulmans ont donc tout intérêt à jouer le jeu de la démocratie et de s'allier au bloc égyptien", commente Bernard Botiveau. Le directeur de recherche émérite au CNRS n'exclut toutefois pas que les salafistes influencent le programme des Frères musulmans.