Tony Blair courtise les patrons et assume. L'ex Premier ministre britannique a déclaré lundi avoir délibérément choisi, durant ses dix années au pouvoir, de s'attirer les bonnes grâces des puissants patrons de presse, pour ne pas risquer de se les mettre à dos.
L'ancien leader travailliste a expliqué sa position lundi devant la commission Leveson, chargée de mettre en lumière les pratiques de la presse et les relations entre médias, classe politique et police, à la suite du scandale des écoutes téléphoniques en Grande-Bretagne.
"Criminel de guerre"
Rupert Murdoch, patron de News Corp, dont les journaux sont au cœur du scandale, est notamment soupçonné d'exercer une influence excessive sur les dirigeants du pays. "Quand vous êtes un responsable politique, que vous avez face à vous de très puissants groupes médiatiques et que vous êtes en conflit avec l'un de ces groupes, les conséquences sont telles que vous êtes de fait empêché de faire passer votre message", a déclaré Tony Blair sous serment devant les membres de la commission Leveson. "De manière transparente, je vous dis que, en toute franchise, j'ai pris la décision en tant que responsable politique, et il s'agissait d'une décision stratégique, de gérer cette situation et de ne pas m'y opposer frontalement. Et on peut débattre du fait de savoir si c'était une bonne ou une mauvaise décision par la suite mais c'est la décision que j'ai prise", s'est-il expliqué.
Lors de l'audition de Tony Blair, un militant pacifiste a brièvement interrompu l'ancien Premier ministre qu'il a traité de "criminel de guerre" pour sa décision d'intervenir militairement en Irak en 2003. L'homme, qui avait réussi à se glisser derrière l'estrade, a été rapidement maîtrisé par les gardes.
Commencée à 10h heure londonienne, l'audition se poursuivait encore à 15h30.
Blair, un parrain controversé
L'enquête de la commission Leveson s'est jusqu'à présent concentrée sur les relations entre les conservateurs de David Cameron actuellement au pouvoir et l'empire News Corp mais l'audition de Tony Blair risque d'empêcher l'opposition travailliste d'en tirer un profit politique. La commission d'enquête devrait notamment se pencher sur la décision de Tony Blair de devenir le parrain d'une fille de Rupert Murdoch à l'occasion d'une cérémonie organisée en 2010 sur les rives du Jourdain. Elle devrait aussi lui demander d'expliquer pourquoi il s'est entretenu à trois reprises avec l'homme d'affaires australien dans les jours qui ont précédé la guerre en Irak, et si ces rencontres ont pu avoir un impact sur le soutien que tous les journaux de Murdoch ont apporté à cette guerre impopulaire.
Rupert Murdoch a déclaré le mois dernier à la commission Leveson n'avoir jamais rien demandé à aucun Premier ministre britannique. Fort du soutien du Sun, quotidien le plus vendu en Grande-Bretagne, Tony Blair a été porté au pouvoir en 1997, puis de nouveau en 2001 et en 2005. Durant ces années au 10 Downing Street, il a attaché un soin particulier à créer l'événement à l'aide de ses conseillers en communication afin de tenter de maîtriser la couverture médiatique de son action.
Le scandale des écoutes a débuté fin 2005 par la publication d'un article sur le prince William dont le palais de Buckingham estimait qu'il était alimenté par l'interception clandestine de messages téléphoniques. Il a rebondi début 2007 avec l'arrestation et la condamnation du chroniqueur de la cour du News of the World et a pris une nouvelle ampleur l'an dernier, touchant jusqu'aux milieux politiques et policiers.