En ciblant l'Europe pour donner un nouvel élan à sa campagne, Nicolas Sarkozy a-t-il pris de court ses partenaires européens ? Le président-candidat a en effet menacé dimanche, s'il est réélu, de sortir la France des accords de Schengen sur la libre-circulation si une réforme structurelle n'est pas votée. Objectif affiché : lutter contre l'immigration clandestine que le candidat de l'UMP estime mal contrôlée par certains pays européens. Alors que la commissaire européenne chargée des questions d'immigration, Cecilia Malmström, a prévenu lundi le président français de la difficulté d'un changement de Schengen, l'ultimatum français est accueilli froidement par nos voisins européens. Tour de la presse européenne avec Europe1.fr.
"Sarkozy prend un risque"
Le Royaume-Uni n'a jamais voulu de l'accord Schengen, mais la presse britannique ne s'empêche cependant pas de s'interroger sur les motivations de Nicolas Sarkozy. John Lichfield, correspondant à Paris pour The Independent, voit dans l'annonce du président-candidat "un virage calculé vers le protectionnisme et l'euroscepticisme dans le but de sauver sa réélection". A coup d'"Euro-bashing" et de "protectionnisme", Nicolas Sarkozy "tente de séduire les nationalistes de droite et de gauche", décrypte le journaliste britannique.
De son côté, Angelique Chrisafis, correspondante pour le quotidien britannique The Guardian, classé à gauche, fait une double lecture du discours du président-candidat. D'une part, la journaliste estime qu'"après avoir débuté sa campagne il y a quatre semaines en mettant en avant sa proximité avec la chancelière allemande Angela Merkel, Sarkozy a clairement voulu montrer qu'il était capable de prendre ses propres décisions".
D'autre part, la journaliste observe que "Nicolas Sarkozy a intensifié sa drague des électeurs d'extrême droite (…). A Villepinte, il a maintenu son approche de résolument à droite, sous l'angle européen cette fois-ci". Et la journaliste de conclure : "Sarkozy a pris le risque de mettre en colère ses partenaires européens".
"Un message adressé à l'électorat de Le Pen"
Même constat chez nos voisins transalpins. Pour Alberto Mattioli, journaliste à La Stampa, "il est clair" que le discours de Nicolas Sarkozy est un "message adressé à l'électorat de Marine Le Pen, pour qui le seul moyen de rester en Europe est d'en sortir". "Toutefois", note le correspondant du quotidien centriste italien, "si Sarkozy prend ces décisions pour des raisons de politique intérieure, il risque de mettre l'Europe dans tous ses états".
Thomas Hanke, du quotidien économique allemand Handelsblatt, se montre plus sévère. Pour l'éditorialiste, Nicolas Sarkozy "cherchait depuis des mois un thème enthousiasmant. Il l'a trouvé. Le président français, menacé dans les sondages, fait front contre l'Europe et les étrangers", souligne Thomas Hanke. "Si la France va mal, c'est à cause des étrangers, des fraudeurs, des Européens naïfs adeptes du libéralisme (…). Pas en raison de ses propres fautes, mais à cause de son indulgence face à ces ennemis, la France va mal", abonde le journaliste.
"Récupérer la France du non"
Charline Vanhoenacker de la RTBF tempère quant à elle l'initiative du candidat de l'UMP."Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué cette mesure lors de la révolution tunisienne et l'afflux de réfugiés qui a suivi". "Il n'a donc pas fait d'annonces fracassantes. Mais son programme est devenu plus concret aux yeux de ses sympathisants", observe la journaliste belge.
Cependant pour le quotidien espagnol ce centre-droit, La Vangardia, aucun doute : Nicolas Sarkozy "a sorti l'artillerie lourde". Le président sortant "s'efforce de récupérer 'la France du non', 'la France du mécontentement' ", résume le journaliste Lluís Uría.