Il aurait fallu près de 70 ans pour que la France dédommage les victimes américaines de la Shoah. Paris s'est engagé vendredi à verser 60 millions de dollars (48 millions d'euros) aux personnes ayant été transportées par la SNCF vers les camps de la mort durant la Seconde guerre mondiale.
100.000 dollars pour chaque rescapé. Cet accord entre la France et les Etats-Unis intervient après des années de relations tendues entre les deux pays sur cette question. Signé lundi, il prévoit la création d'un fonds d'indemnisation, dont l'argent sera versé aux autorités américaines en faveur de "quelques milliers" de déportés non français et de leur famille, a précisé l'ambassadrice française aux Droits de l'homme, Patrizianna Sparacino-Thiellay. Chaque déporté survivant devrait recevoir environ 100.000 dollars, soit environ 81.000 euros.
Ce fonds d'indemnisation, approvisionné par l'Etat français et non la SNCF, permettra à des rescapés d'être dédommagés, alors qu'ils ne rentraient auparavant pas dans les critères français de réparation, soit parce qu'ils avaient émigré, soit parce qu'ils étaient arrivés sur le sol français après le 1er septembre 1939.
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Des excuses forcées. Mais cette négociation profite également à la France. En contrepartie, les Etats-Unis se sont engagés à défendre l'immunité dont bénéficie la SNCF, au même titre que les autres entreprises étrangères. La société du rail français ne pourra pas être poursuivie pour son rôle dans la Shoah aux Etats-Unis.
Le rôle de la SNCF dans le transport des déportés a failli empêcher l'entreprise de gros contrats aux Etats-Unis. L'Etat du Maryland a un temps voulu lui demander d'indemniser les victimes avant de pouvoir se lancer dans des appels d'offre. Les deux gouvernements avaient donc tous deux intérêt à boucler rapidement les négociations autour de cette question.
Pas responsable. La SNCF avait fait son mea culpa pour son rôle dans la déportation en 2010, par la voix de son président Guillaume Pépy. Mais la diplomate Patrizianna Sparacino-Thiellay a refusé de parler de responsabilité : "La SNCF n'a jamais été tenue pour responsable de la déportation. Elle a été un instrument de la déportation. C'est de la responsabilité des autorités françaises" de l'époque. La gare de Bobigny devait devenir un lieu de mémoire pour les 76.000 juifs transportés dans les trains français entre 1942 et 1944. Environ 3.000 d'entre eux ont survécu.