Shoah : la course contre la montre

Efraim Zuroff, directeur du centre Simon Wiesenthal, traque les derniers criminels nazis impliqués dans l'extermination des Juifs durant la Seconde guerre mondiale.
Efraim Zuroff, directeur du centre Simon Wiesenthal, traque les derniers criminels nazis impliqués dans l'extermination des Juifs durant la Seconde guerre mondiale. © REUTERS
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Malgré des investigations de plus en plus difficiles, la traque des génocidaires nazis se poursuit.

Le 11avril 1961 débute le procès d’Adolf Eichmann, technocrate de la "solution finale", accusé d'avoir coordonné la mise en place des camps de la mort. 50 ans après, la traque des criminels nazis se poursuit, non sans difficulté. "Nous touchons à la fin. L'horloge biologique est implacable et, forcément, il n'y a plus qu'une poignée de criminels nazis", reconnaît David Silberklang, historien du Mémorial Yad Vashem de Jérusalem.

Surnommé "le dernier chasseur de nazis", l’Israélien Efraim Zuroff poursuit le combat initié par Simon Wiesenthal, un rescapé des camps d’extermination nazis qui a consacré sa vie à retrouver les génocidaires et fondé un centre du même nom. Il a même lancé en 2002 l'"Opération de la dernière chance", offrant des primes en échange d'informations permettant de retrouver des criminels nazi. L’actuel directeur du centre Simon Wiesenthal de Jerusalem explique à Europe1.fr pourquoi il continue la traque.

"Deux suspects retrouvés par mois"

La majorité des personnes impliquées dans la Shoah ont été jugées en Allemagne juste après la guerre lors de la phase de dénazification. Mais d’autres ont pu fuir à l'étanger. Ce sont surtout ces exilés que le centre Simon Wiesenthal continue à rechercher. Et ce travail paye puisque "depuis 2001, 87 personnes ont été identifiées, retrouvées et condamnées dans sept pays, dont la France", précise Efraim Zuroff.

Au cours de la seule année écoulée, 852 nouveaux suspects ont été identifiés, mais seuls 1% d’entre eux ont fait l’objet d’enquêtes officielles. Depuis ses débuts "d’enquêteur" en 1977, le "chasseur de nazis" a ainsi débusqué à lui seul la trace de 3.000 personnes, dont 107 aux Etats-Unis et huit au Canada.

"Nous retrouvons la trace de deux suspects par mois en moyenne", résume Efraim Zuroff avant d’ajouter : "cela ne veut pas dire que nous n’avons pas d’autres suspects, mais pour ces deux personnes par mois, nous disposons de leurs noms, adresses et parcours".

Une traque qui se heurte aux frontières

Mais les Etats ne sont pas toujours coopératifs, comme l’affirme Efraim Zuroff, qui établit un étrange avec les tueurs en série. "Les Etats font tout pour arrêter les tueurs en série car ils sont persuadés qu’ils vont tuer à nouveau. A l’inverse, les gens qui ont assassiné pendant la seconde guerre mondiale sont vieux et ne peuvent plus tuer : ils ont l’air de gens normaux, les Etats préfèrent donc temporiser", assure-t-il.

Les Etats n’ont par ailleurs pas toujours les outils pour poursuivre juridiquement les génocidaires. "Aux Etats-Unis et au Canada, on ne poursuit plus les suspects pour un génocide qui n’a pas eu lieu sur le territoire national. Ces derniers ne sont donc accusés que pour avoir menti sur leur passé au moment de leur immigration, avec à la clef une simple déchéance de citoyenneté", explique Efraim Zuroff.

Continuer malgré des résultats de plus en plus maigres

Alors pourquoi continuer aujourd’hui une traque qui concerne peu de personnes et aux résultats aléatoires ? "Notre travail doit continuer pour plusieurs raisons : le temps n’efface pas la responsabilité des génocidaires et leur grand âge ne doit pas les protéger", justifie le directeur du centre Simon Wiesenthal.

Et Efraim Zuroff de conclure : "toutes les victimes de la Shoah méritent par ailleurs que l’on continue, tout comme les générations futures : dans le cas de nouveaux génocides, les responsables doivent comprendre qu’ils seront poursuivis jusqu’à leur mort. Les victimes méritent qu’on retrouve leurs assassins, leurs descendants nous le demandent".

Efraim Zuroff a raconté son travail dans l’ouvrage "Chasseur de nazi", rédigé avec Alexandre Duyck.