La femme de l'ex-président Laurent Gbagbo comparaît devant un tribunal à Abidjan et s'exprime pour la première fois depuis quatre ans.
C'est la première fois depuis la chute de son époux que Simone Gbagbo s'exprime en public. La femme de Laurent Gbagbo, ancien président ivoirien, est rejugée depuis fin décembre 2014 à Abidjan pour sa participation à la répression de manifestations. Lundi, elle était entendue par le tribunal dans le cadre d'un procès qui juge 82 personnes pour des crimes d'atteinte à la sûreté de l'Etat. A la barre, l'ex-dame de fer de Côte d'Ivoire a persisté dans la ligne qui a été la sienne dès les premières accusations : "A l'heure où je vous parle, je ne sais pas exactement quel sont les actes matériels qu'on me reproche", a-t-elle lâché à la cour.
Elle tourne toujours le dos à Ouattara. "Comment puis-je être poursuivie sur la base d'une décision politique ? Alors que j'ai respecté la décision du Conseil constitutionnel ?", demande-t-elle. Dans sa robe en pagne à motifs vert et marron, Simone Gbagbo, qui fut autant redoutée par ses opposants que vénérée par ses partisans, entame un pilonnage en règle du régime en place, sourire aux lèvres. Volontairement provocatrice, elle lance devant le tribunal : "Laurent Gbagbo est le vainqueur de la présidentielle de 2010." La victoire de son rival, Alassane Ouattara, a toujours été contestée par le clan de Laurent Gbagbo, aujourd'hui emprisonné aux Pays-Bas en attente de son jugement par la Cour pénale internationale de La Haye.
La France pointée du doigt. Lors de sa comparution, l'ex-Première dame a également violemment attaqué la France qui avait engagé ses soldats dans l'opération Licorne pour maintenir la paix dans le pays. "De quoi le président Sarkozy se mêle-t-il?", s'interroge l'ex-Première dame, 65 ans, dénonçant "l'ingérence des autorités françaises" dont l'armée a, selon elle, "bombardé la résidence présidentielle pendant une dizaine de jours alors qu'aucune résolution de l'ONU ne lui donnait ce pouvoir". "J'ai été battue avec une violence inouïe" lors de l'interpellation, dit-elle à la barre. On se souvient des images la montrant aux côtés de son époux l'air hagard, les tresses arrachées.
Les "troupes rebelles" de "M. Soro [Guillaume, l'actuel président de l'Assemblée nationale] et d'ADO" [Alassane Dramane Ouattara, le président ivoirien actuel], "appuyées par l'ONU et les forces françaises, ont massacré des populations civiles, humilié des représentants de l'État", affirme-t-elle encore.
Un monstre politique devant une justice chancelante. Simone Gbagbo comparaît pour son rôle dans une répression qui a fait 3.000 morts en 2010-2011. Les crimes qui lui sont reprochés sont nombreux, rappelle RFI : atteinte à la sûreté de l'Etat, xénophobie, coalition de fonctionnaires, usurpation de fonction ou encore constitution de bandes armées. Malgré la gravité des charges retenues, ce procès semble se jouer dans une ambiance dilettante. Lors de la comparution de Michel Gbagbo, le fils que le président déchu a eu avec sa première femme, les témoins qui apparaissent à la barre étaient hésitants, la salle d'audience hilare, l'accusation incapable de fournir des preuves concrètes, comme le raconte Le Monde. La Dame de fer de Côte d'Ivoire a bien l'intention de profiter de cette confusion pour convaincre ses partisans et les sceptiques, qui se sont d'ailleurs empoignés devant le tribunal lundi matin.
Profondément impliquée en politique, Simone Gbagbo a été députée du FPI (le Front populaire ivoirien), le parti qu'elle a co-fondé avec son mari. D’après Jeune Afrique, elle est "considérée comme un pilier inébranlable du régime de son mari Laurent sur lequel elle exerçait une forte influence". Comme Laurent Gbagbo, elle est poursuivie par la Cour pénale internationale. Mais Abidjan refuse de l'extrader, estimant la Côte d'Ivoire capable de la juger impartialement.