"Quel crétin !". Les Weibonautes (utilisateurs de Weibo, sorte de Twitter chinois) ne mâchent pas leurs mots. Quelques heures à peine après l’ouverture du Congrès du parti communiste chinois, mardi dernier - et qui s'est achevé jeudi avec la nomination de Xi Jinping au poste de secrétaire-général- les internautes n’ont pas tari de commentaires sur le discours d’inauguration prononcé par le président sortant Hu Jintao.
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Le premier débat public politique
Contrairement à l’Europe et aux Etats-Unis, qui ont focalisé leur attention sur le volet anti-corruption du discours, les Chinois, eux, ont surtout tendu l’oreille quand le président a promis que le PIB doublerait dans les dix prochaines années. "Cela fait vingt-cinq ans que les dirigeants chinois parlent de la corruption dans leurs discours", souligne Renaud de Spens, spécialiste des réseaux sociaux et sinologue, interrogé par Europe1.fr. "Ce qui les a fait réagir sur le web, c’est la question du PIB, élément essentiel de la politique économique du pays", ajoute-il, soulignant qu’"aujourd’hui, les Chinois n’y croient plus. Les propos de Hu Jintao ont donc déclenché une avalanche de commentaires" sur Weibo.
"Quel crétin" a notamment écrit l’un d’eux sous cet extrait du discours publié sur le site de microblogging par un journal officiel proche du pouvoir. Sans citer le nom du président, cet utilisateur de Weibo critique, tout de même, ouvertement la politique du parti. "Les médias proches du pouvoir ont créé des comptes Weibo juste pour publier des bouts du discours de Hu Jintao", a observé Li*, un étudiant chinois qui souhaite garder l’anonymat. Une démarche qui a ouvert la voie au débat sur le web, chose nouvelle en Chine. "C’est la première fois que l’on voit un débat public autour de la politique chinoise", observe Renaud de Spens. "Ces journaux ont pleinement joué un rôle de média et donné la possibilité aux internautes de réagir et d’en discuter entre eux", ajoute-il.
La voix du Web loin du parti
Mais difficile avant l’annonce de la composition du comité permanent, qui doit avoir lieu jeudi, de mesurer l’impact de Weibo sur les débats de cette semaine confinés, loin des regards, dans le palais du peuple de la place Tienanmen. On a cependant vu émaner des thèmes propres aux potentiels futurs membres du parti communiste.
Wang yang, considéré comme l’une des étoiles montantes du parti, réformateur et apprécié des Chinois, "reçoit un soutien des Weibonautes qui aimeraient le voir faire son entrée au sein du comité permanent", souligne Renaud de Spens. Une sorte de hastag (mot-clef) "Don’t let me down" - ne me laisse pas tomber - "a circulé sur le site de microblogging mercredi, en témoignage du soutien des internautes au réformateur", raconte le spécialiste du web. Mais il semblerait que l’élite du congrès n’a pas entendu la voix du web, puisque selon les dernières informations qui circulent sur Weibo, l’homme serait nommé à la commission de discipline du parti. "Une bonne nouvelle pour la lutte anti-corruption", note le spécialiste, soulignant néanmoins que "c’est aussi une manière de ne pas trop l’impliquer dans l’appareil du pouvoir".
* Le prénom a été changé par mesure de sécurité.