>> Le reportage a été diffusé dans les carnets du monde, le dimanche 31 mai sur Europe 1. Avec lui, Sophie bouillon a remporté le prix Bayeux Calvados 2014 catégorie radio (2eme prix). Europe 1 vous propose de le réécouter.
Du costume au treillis. Il était comptable, mais depuis un an, Abadji a troqué le costume pour le treillis. Avec ses hommes, des villageois volontaires, ils arpentent la région de Borno, dans le nord du Nigeria, et tentent de défendre les habitants des attaques de Boko Haram, cette fondation salafiste qui prône le djihad et pille les environs.
Checkpoints et tranchées. Abadji connaît bien les membres de cette organisation, puisqu'il est originaire de Maiduguri, la ville où a été fondé ce groupe sunnite. Autour de la cité, il a érigé des checkpoints, creusé des tranchées. Mais ce matin, il reçoit un appel. Lui et ses hommes sont appelés en renfort du côté de Ngawa Fate, un village à 20 kilomètres de là. En véritable commandant, le col blanc s'active et harangue ses hommes : "On va leur apporter de l'aide. Où sont les autres ? Dis-leur de monter dans le camion !"
Gilets pare-balles made in Nigeria. Abadji et les siens revêtent leur gilets pare-balles, "produits localement", précise-t-il. Par-dessus, ils enfilent un costume de chasseur noir rehaussé de morceaux de tissus colorés qui ceignent leurs tailles. Des amulettes et des petites pochettes rafistolées avec du scotch qui contiennent des sourates du coran et des herbes traditionnelles complètent cet équipement un peu particulier.
"Quand on est mort, on n'emporte pas son argent dans la tombe". A peine arrivés, il place ses hommes de manière à éviter les embuscades. Les maisons détruites et les décombres encore fumants sont les seules traces du passage de Boko Haram dans le village. Les habitants réunis autour d'un arbre, sont désespérés.
L'un d'entre eux s'insurge contre une organisation qui n'a selon lui de religieuse que le nom : "Certains de nos voisins se sont engagés pour Boko haram au nom de l'Islam mais ce n'est pas l'islam ! La vérité, c'est qu'ils s'engagent dans Boko Haram pour l'argent, ils ne connaissent même pas leur leader. Moi ça va je suis assez éduqué, je sais que l'argent ca ne vaut rien. Une fois qu'on est mort, on n'emporte pas l'argent dans notre tombe."
Le vrombissement d'une moto suspend les conversations. Le danger plane toujours sur le village. Abadji et ses hommes lèvent le camp, à la recherche d'autres villageois à secourir.