Présent clandestinement en Syrie, François Clauss, l'envoyé spécial d'Europe 1, a rencontré un officier déserteur de l'armée du régime à Alep, pilonnée par les forces de Bachar al-Assad.
La discrète voiture grise des deux combattants de l'armée libre se faufile difficilement dans les ruelles enchevêtrées du quartier de Fardouz. Les kalachnikovs sont à portée de main. On s'arrête à peine à un carrefour et un homme se précipite dans la voiture.
Les traits tirés, le visage crispé, l'officier Ahmed Ahmad, 23 ans, qui vient de servir pendant 5 ans l'armée du régime, vit ses premières heures de liberté. Il aura besoin d'une dizaine de minutes pour esquisser son premier sourire. "Il y avait tant de pression, je suis tellement bien maintenant", confie-t-il.
"Les MIG-21 sur lesquels je travaillais bombardaient mes frères"
Chargé de l'entretien des MIG-21 sur la grande base militaire d'Idlib, Ahmed Ahmad a décidé de déserter il y a trois semaines. "C'est quand j'ai compris que les MIG-21 sur lesquels je travaillais bombardaient mes frères que j'ai décidé de déserter", explique-t-il. Ahmed Ahmed estime qu'entre 300 et 400 soldats ont déserté ces derniers mois de cette caserne hautement stratégique, forte d'un millier de soldats.
"J'étais en contact avec l'armée libre au téléphone. Quand ils m'ont prévenu que la voiture était prête, j'y suis allé", raconte le jeune homme. Il a dû courir de nuit, escalader un mur et échapper à la surveillance des snipers positionnés autour de la base, sans la moindre arme pour se défendre.
Des soldats "tués pour l'exemple"
L'officier nous apprend que dans sa caserne, seuls les alaouites sont désormais armés, et que la pression monte sur les soldats au fur et à mesure de l'avancée de l'armée libre sur le terrain. Il explique ainsi que "tous ceux qui étaient pris à regarder la télé pour suivre les informations se retrouvaient en prison pour 45 jours. Certains ont même été tués pour l'exemple".
Ce soir là, Ahmed Ahmad, protégé, dans une petite ville contrôlée par la rébellion à 30 km au nord d'Alep, recevra son uniforme de soldat de l'armée libre et sa kalachnikov de combattant de la révolution. "Je veux me battre contre l'armée, pour protéger mon peuple", assure l'ex-officier.
Au-delà de cette détermination, et derrière le sourire, il y a comme un voile de tristesse sur le visage du tout nouveau déserteur, quand il pense à cette petite ville au nord d'Idlib, où vivent sa femme et ses deux fils, sous la menace d'une opération punitive des soldats ou des mercenaires à la solde du régime.