L’INFO. La parole de Barack Obama est scrutée à la loupe. Non seulement parce qu’il est président des Etats-Unis mais aussi parce qu’il avait établi, le 20 août 2012, le principe d’une "ligne rouge" en cas d’attaques chimiques sur le peuple syrien. Sauf que cet avertissement, qui avait des allures de quasi ultimatum l'an passé, est aujourd'hui beaucoup plus nuancé, quitte à froisser les plus interventionnistes. Dans une interview à la télévision américaine CNN, le locataire de la Maison-Blanche a jugé que les nouvelles allégations sur l’utilisation récente d’armes chimiques par l’armée syrienne était "sérieusement préoccupante". Une position prudente et en retrait par rapport à ses alliés européens.
Il y a eu "un événement important". Les accusations portées par l'opposition syrienne, selon lesquelles des centaines de personnes auraient été tuées dans une attaque aux gaz toxiques sont, aux yeux des Américains, plus graves que les précédentes. Mais le président américain s'est gardé de toute conclusion hâtive, expliquant, comme l'avait annoncé jeudi le département d'Etat, avoir ordonné à ses services de renseignement de "rassembler des informations" supplémentaires. "Contrairement à certaines preuves que nous tentions d'obtenir au préalable, et qui ont conduit à la venue d'un enquêteur des Nations unies en Syrie, ce que nous avons vu à présent indique clairement qu'il s'agit d'un événement important et sérieusement préoccupant", a déclaré le président américain.
Le discours depuis quelques jours s’est légèrement durci. Jeudi, la porte-parole de la diplomatie américaine Jennifer Psaki avait précisé qu'"à ce moment précis, nous sommes incapables de déterminer de manière définitive que des armes chimiques ont été utilisées". Depuis le début de la crise syrienne, le président américain a montré une grande réticence à engager les troupes américaines dans une mission de protection des civils en Syrie, alors que les troupes américaines d'Irak sont à peine rentrées. Mais l'horreur provoquée par les images et vidéos d'enfants morts diffusées par les médias américains a rouvert le débat sur une politique jugée prudente par Barack Obama et ses alliés, mais qualifiée d’insuffisantes par ses détracteurs.
Ligne rouge contre ligne verte. Le très écouté sénateur républicain John McCain a ainsi mis en garde jeudi contre le fait que le président américain aurait donné à Bachar al-Assad une "ligne verte" pour commettre des atrocités, en n’opposant pas de force militaire. "Quand le président des Etats-Unis dit que s'il utilise ces armes, ce serait, je cite ‘une ligne rouge qui changerait la donne’, il (Assad) la considère maintenant comme une ligne verte" a-t-il déclaré à CNN. Il a réclamé des "frappes militaires limitées" sur la Syrie, une "zone d'exclusion aérienne" et la fourniture d'armes pour les rebelles.
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Ne pas s’embourber. Barack Obama a répondu à John McCain dans la nouvelle interview à CNN, lui disant qu'il comprenait les préoccupations du député, mais que les Etats-Unis devaient agir avec prudence. "Je suis sensible à la passion que le sénateur McCain manifeste pour venir en aide aux personnes qui se trouvent dans une situation extraordinairement difficile et qui fend le cœur" a-t-il déclaré. Mais Obama considère que les Américains attendent de lui qu'il protège leurs intérêts à long terme. "Parfois, ce qu'on voit c'est des gens qui appellent à une action immédiate, qui se jettent dans des trucs qui ne tournent pas bien, qui nous embourbent dans des situations très difficiles, ce qui a pour conséquence de nous entraîner dans des interventions très coûteuses et difficiles qui alimentent encore davantage de ressentiment dans la région" a-t-il déclaré. Le président américain temporise afin de ne pas inscrire son second mandat dans les traces de son prédécesseur, George W. Bush.
Derrière ce discours prudent de façade, l’administration travaille en coulisses. D'après le New York Times, une réunion de trois heures et demie s'est tenue jeudi à la Maison-Blanche entre des responsables du renseignement, du département d'Etat et du Pentagone. Mais pour l’instant, aucune décision n'a été prise par une administration profondément divisée sur la Syrie.