"[…] Le Conseil établit l’ordre de destruction des armes et […] décide que la République arabe syrienne achèvera l’élimination de tous les équipements et matières liés aux armes chimiques au cours du premier semestre de 2014." Extrait de la résolution 2118 de l'ONU sur les armes chimiques.
Sur place les opérations ont commencé et dans moins de huit mois, toutes les armes chimiques syriennes devront être détruites. C’est en tout cas ce que stipule la résolution 2118 de l’ONU. Une échéance qui s’annonce déjà compliquée à respecter, selon Olivier Lepick, chercheur à la fondation sur la recherche stratégique et spécialiste des armes chimiques.
L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) va par ailleurs tenir, mercredi après-midi, une première conférence de presse depuis le début des opérations de destruction des armes chimiques en Syrie. Une deuxième équipe de l'OIAC devrait être envoyée sur place pour accélérer le rythme des opérations.
>> Avec l’aide de l’expert, Olivier Lepick, Europe1.fr fait le point sur l’avancée des opérations de destructions des armes chimiques en Syrie, sur les risques qu’elles impliquent et sur le temps qu’elles nécessiteront.
• A quoi ressemble une arme chimique ?
Une arme chimique est le fruit de la rencontre de deux choses : un agent chimique militaire toxique ou même neurotoxique et un système de dissémination, comme un obus, un missile.
Ce schéma montre, en 1, une arme chimique, et en 2, le dispositif de destruction. (DR : photo de l'US Army chemical activity agency).
• Comment la détruire ?
Pour la détruire, deux facteurs sont essentiels : il faut savoir de quels agents elle se compose et comment ces armes sont stockées. En fonction de ces deux facteurs les opérations de destruction seront différentes.
Premier type d’opération : des armes chimiques non assemblées. Lorsque le système de dissémination n’est pas chargé, alors il relativement simple de le détruire. C’est la phase dans laquelle se trouvent les experts de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques actuellement en Syrie (OIAC). Ces experts supervisent des opérateurs syriens qui détruisent au bulldozer et à la lance thermique, les obus et les roquettes non chargés.
Deuxième type d’opération : des armes chimiques assemblées ou un agent toxique seul. Lorsque l’agent chimique a été chargé dans le système de dissémination ou lorsqu’un agent toxique est stocké en vrac, alors la destruction demande un processus plus complexe que de simples bulldozers.
Une chambre de détonation dans laquelle a été placée une arme chimique.(DR : photo de l'US Army chemical activity agency).
L’arme est placée dans une chambre spéciale dans laquelle on fait détonner la munition et qui est capable de contenir les effluves. Rien que la porte de cette chambre de détonation pèse plusieurs tonnes.
Ensuite il existe deux techniques pour neutraliser l’arme chimique :
- L’incinération : on brûle à plus de 1.000 degrés les agents chimiques militaires présents dans la munition.
- L’hydrolyse : on mélange les effluents de la destruction de la munition avec de l’eau et des agents chimiques qui détruisent à 99,8% des substances dangereuses.
Ces opérations nécessitent donc des infrastructures spécifiques, spécialement dédiées à la destruction de ce type d’armes. Lorsque les agents de l’OIAC, en Syrie, "s’attaqueront" aux armes chimiques assemblées, alors le rythme des opérations de destruction ralentira sensiblement.
A titre d’exemple : les Etats-Unis ont commencé à détruire leurs stocks d’armes chimiques, vestiges de la guerre froide, au milieu des années quatre-vingt dix et ne devraient avoir fini qu’en 2021-2022.
• Peut-on faire sortir les armes de Syrie pour les détruire dans un autre pays ?
Les Etats-Unis, par exemple, disposent de toutes les infrastructures nécessaires pour détruire des armes chimiques. Pourtant, il est inenvisageable que les armes chimiques syriennes quittent le pays. La convention d’interdiction des armes chimiques interdit le transfert des armes chimiques sur le territoire d’un autre Etat signataire.
• Quels sont les risques liés à la destruction d’une arme chimique ?
Il existe deux types de risques : le risque environnemental et sanitaire, et le risque lié au contexte syrien. C’est la première fois que les experts de l’OIAC interviennent dans un pays en guerre. Un contexte compliqué et dangereux pour eux puisque les armes chimiques sont disséminées sur des dizaines de sites différents.
De plus, les opérateurs ainsi que les populations locales sont soumis au risque d’une fuite, d’un accident, si les infrastructures ne sont pas adaptées. Ce type d’accident engendrerait également une pollution grave et pérenne de l’environnement dans lequel se trouvent ces armes. Il faudra donc être extrêmement vigilant lorsque les agents de l’OIAC commenceront à détruire les armes chimiques déjà assemblées.