L’INFO. Il y a quelques mois, tout le monde était favorable à la destruction des armes chimiques hors de la Syrie en guerre. Mais en dépit de ce consensus, aucun Etat n'a, à ce jour, accepté qu'elle s'effectue sur son sol. Les Etats-Unis veulent donc prendre les choses en main et envisagent d’effectuer cette destruction en mer, sur une plateforme sécurisée en Méditerranée, explique Le Figaro.
Une destruction au plus tard le 30 juin 2014. Après la neutralisation des installations, le conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a adopté à La Haye une feuille de route sur la destruction de l'arsenal chimique syrien en ce sens. Il comprend un plan détaillant les méthodes possibles de destruction de ces armes, hors de la Syrie, sur terre ou en mer. Ce plan doit être approuvé avant le 17 décembre. Si le calendrier est respecté, tous les conteneurs, remplis de gaz mortels et de produits précurseurs, doivent être détruits au plus tard le 30 juin 2014. Au total, près de 1.000 tonnes d’armes chimiques doivent être traitées ou éliminées.
La France pas sollicitée ? Sauf que les pays de l’Otan, sondés par leur proximité géographique avec la Syrie ou leur efficacité dans ce domaine, traînent des pieds. Depuis plusieurs semaines, ils se refilent la "patate chaude". La Belgique a récemment affirmé n'être pas favorable à la destruction d'une partie des armes chimiques syriennes sur son territoire. L'Albanie, également approchée par Washington, avait déjà exclu que l'opération de destruction se déroule sur son territoire. La Norvège, pour sa part, avait de même rejeté la requête américaine, mais s'est engagée, de pair avec le Danemark, à fournir des navires pour contribuer au transport des armes chimiques syriennes vers le lieu de leur destruction. Enfin, la France s'est dit prête à apporter son expertise pour la destruction des armes chimiques syriennes hors du pays, mais a précisé qu'elle n'avait pas été sollicitée pour les accueillir.
"Personne ne veut d’armes chimiques sur son territoire. Par ailleurs, le traité de l’OIAC interdit le déplacement d’armes chimiques sur le territoire d’un autre Etat membre. C’est une violation de ce traité", assure Olivier Lepic, spécialiste des armes chimiques, interrogé par Europe1.fr.
Une destruction en mer ? Faute de pays d’accueil, les Etats-Unis pourraient se tourner vers la haute mer. "Cette possibilité est à l'étude depuis un certain temps déjà, elle l'est toujours et elle fait partie des diverses pistes envisagées par les Etats membres et tant qu'une décision n'a pas été prise, ça reste une possibilité", a indiqué cette semaine, Christian Chartier, le porte-parole de l'OIAC. Selon le New York Times, l’idée serait d’embarquer cinq incinérateurs classiques à haute température sur une grosse péniche. L’objectif serait alors de réduire les agents précurseurs les plus dangereux à un stock d’extrait sec.
Certaines armes chimiques, comme le gaz moutarde, pourraient être détruites par le processus d'hydrolyse, au terme duquel des déchets appelés effluents sont obtenus. D'autres armes chimiques comme le gaz sarin sont plus facilement détruits par incinération.
Des problèmes de sécurité. En mer, "cela n’a jamais été fait. Je suis très surpris et dubitatif. Cette proposition est étrange. Je ne vois pas comment, si on s’acheminait dans cette voie, on pourrait respecter l’échéance du premier semestre 2014 pour la destruction et le démantèlement des armes chimiques. Il va falloir aménager et construire ces barges. Par ailleurs, le stockage en mer, dans des lieux aussi confinés de substances dangereuses, pose de gros problèmes de sécurité pour les opérateurs", assure également Olivier Lepic. Sur le plan logistique, ce genre d’opérations est très compliqué à réaliser en mer. "Opérer des incinérateurs ou des unités mobiles d’hydrolyse d’armes chimiques sur ces bateaux va être compliqué à mettre en œuvre. C’est un projet d’ingénierie de plusieurs mois ou plus", renchérit ce spécialiste. Et de prendre un exemple : "si vous avez un obus chimique vous ne pouvez pas le détruire dans ces systèmes d’hydrolyse. Il faut d’abord prélever l’agent chimique dans les munitions".
Un appel au secteur privé. L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques a donc lancé un appel au secteur privé en vue de la destruction des deux tiers des armes chimiques syriennes. L'OIAC "cherche à identifier les sociétés commerciales intéressées à une participation à un éventuel processus d'appel d'offres", a indiqué l'OIAC. L'organisation basée à La Haye a répertorié quelque 800 tonnes de produits chimiques, 7,7 millions de litres de déchets et 4.000 conteneurs de capacités différentes. "Il s'agit de produits chimiques qui peuvent être détruits de manière sûre par le secteur industriel", parmi lesquels "des composants chimiques parmi les plus toxiques et qui n'ont pas encore été mélangés", a assuré Christian Chartier, porte-parole de l'OIAC. Une destruction par une société privée serait effectuée sous la supervision de l'ONU.
Une addition qui explose. Autre problème : l’éventualité d’une destruction en haute mer pourrait faire exploser les coûts. "L’OIAC n’en a pas les moyens", assure Olivier Lepic. Les pays contributeurs devraient donc mettre la main au pot. Selon Le Figaro, les experts évaluent à un million de dollars la destruction de chaque tonne d’agent chimique à détruire.
• DECRYPTAGE - Comment détruit-on une arme chimique ?
• ZOOM - L’OIAC, c’est quoi ?
• REPORTAGE - Des armes chimiques sous surveillance… en France