Présent clandestinement dans le nord de la Syrie, François Clauss, l'envoyé spécial d'Europe 1, a suivi les rebelles dans leur bataille pour le contrôle stratégique des alentours d'Alep.
Dans le nord de la Syrie, à quelques kilomètres d'Alep - en proie depuis plusieurs jours à de violents combats - une autre bataille fait rage. Celle-là dure depuis 16 mois et a connu une accélération significative ces dernières semaines. En jeu : le contrôle de toute la région de Idlep qui va jusqu'à la frontière turque.
De part son accès à la Turquie, qui permet approvisionnement en armes et évacuation des blessés, cette grande région est stratégique pour les insurgés.
Sur la route menant à Alep, de village en village, le journaliste d'Europe 1 a mesuré l'âpreté des combats : là, une caserne de l'armée calcinée, ailleurs, du sang sur les murs d'un poste de police… et partout des dégâts et des victimes.
Sur les routes, "la roulette russe"
Si l'armée de Bachar al-Assad semble avoir perdu le contrôle au sol, ce n'est pas le cas dans les airs où hélicoptères et avions survolent régulièrement la zone.
Du coup, sur les routes, c'est "la roulette russe" a confié un rebelle au journaliste d'Europe1 alors qu'un hélicoptère de l'armée survolait leur véhicule. "Soit ils considèrent le véhicule comme suspect et tirent un missile, soit ils continuent leur route", a témoigné l'insurgé. Cette fois, l'appareil a poursuivi son vol.
Sur le terrain, le contrôle des insurgés reste quoiqu'il en soit fragile. Si, pour se tenir au courant des mouvements de l'armée, les rebelles disposent de téléphones, le régime de Damas brouille régulièrement le satellite pour leur couper toute communication.
C'est ce qui s'est passé, une nuit, dans un village à une quarantaine de kilomètres d'Alep. Comme l'a constaté le journaliste d'Europe 1, vers 3 heures du matin, l'électricité a été coupée et le satellite brouillé tandis qu'un mouvement de 60 chars était signalé vers ledit village.
Alors que les rebelles se préparaient à protéger les portes du village, les chars ont finalement directement fait route vers Alep.
"J'ai quitté Alep avec ma seule âme"
Alep, c'est dans cette ville - la plus peuplée de Syrie - que se concentrent depuis quelques jours les combats entre forces gouvernementales et insurgés. Alors que le régime a présenté la bataille d'Alep comme "la reine de toutes les batailles", le chef des rebelles dit y craindre "un massacre". Selon l'Onu, 200.000 personnes ont déjà fui la capitale économique du pays.
Le journaliste d'Europe 1 a croisé certains de ces réfugiés jetés sur les routes. Un spectacle terrifiant : des familles hagardes, des enfants et des vieillards entassés par trentaine sur des pick-up. "Je n'ai rien pris, je n'ai pas eu le temps, je suis seulement parti avec mon âme", lui a confié l'un d'eux qui, comme beaucoup, s'inquiète de n'avoir "aucun contact dans la région".
La situation humanitaire de ces réfugiés est des plus préoccupantes. Une distribution de pain par les rebelles a ainsi failli tourner à l'émeute tant les gens avaient faim.
"Alep sera le tombeau du régime Assad"
A Alep même, la situation militaire est difficile pour les rebelles : lundi matin encore, des obus se sont abattus sur certains quartiers. Le journaliste d'Europe 1 n'a pas encore pu se rendre dans la ville mais les rebelles lui ont montré des vidéos de combats de rue féroces.
Son confrère du Figaro, le journaliste Adrien Jaulmes, qui a pu pénétrer dans Alep, décrit, lui, des rebelles en larmes pleurant l'un des leurs tombé sous une pluie de balles "venues des toits et de troupes au sol". "Alep sera le tombeau du régime Assad", veut pourtant croire un combattant rebelle cité, lui, par Reuters.
L'insécurité qui règne dans le pays n'épargne personne : dimanche, le convoi du chef intérimaire de la Mission de supervision des Nations unies en Syrie a été attaqué par l'armée syrienne.