La proposition russe de démanteler l'arsenal chimique syrien a été favorablement accueilli par les principaux acteurs du dossier, lundi. Néanmoins, l'opération s'annonce périlleuse et incertaine sur le terrain. Les spécialistes du sujet sont d'ailleurs sceptiques concernant la réussite d'une telle entreprise.
>> Lire aussi : La Russie a peut-être trouvé la clé
La Syrie, un acteur semi-engagé. La Syrie, qui n'a pas ratifié la Convention sur l'interdiction de la fabrication et du stockage des armes chimiques entrée en vigueur en 1997, détiendrait d'importants stocks de sarin, de gaz moutarde et de VX, un gaz innervant. Damas n'a signé que le Protocole de Genève de 1925 qui prohibe l'emploi des armes chimiques. Une position un peu contradictoire qui signifie que le régime s'autorise à fabriquer et stocker des armes chimiques, mais pas à les utiliser.
Des années de travail. Localiser et détruire le stock syrien d'armes chimiques va prendre beaucoup de temps, selon les spécialistes américains. Considéré comme l'un des plus importants du monde, il est estimé à "plus de 1.000 tonnes" par les services de renseignement français. Sa neutralisation pourrait aussi s'avérer extrêmement délicate. Un général déserteur de l'armée syrienne a déclaré cet été que les armes chimiques syriennes avaient été transportées pour l'essentiel à Lattaquié et près de la côte méditerranéenne. Les armes chimiques sont stockées dans des dizaines d'endroits différents. En rejoignant l'OIAC, Damas devrait dresser l'inventaire de ses stocks et accepter la venue d'inspecteurs sur son sol pour vérifier ses déclarations "au kilo d'agent chimique et à la munition près", selon Michael Luhan, porte-parole de l'organisation.
>> Lire aussi : Assad nie être le commanditaire de l'attaque chimique
Le précédent irakien qui refroidi. Aux Etats-Unis, on n'a pas oublié le précédent irakien. "Ils ont fait tout de qui était possible pour dissimuler ces programmes d'armement ultra-secrets", affirme Amy Smithson, experte en armes de destruction massives. "La Libye non plus n'était pas complètement nette quand elle a renoncé à son programme d'armes de destruction massive", a-t-elle ajouté. "On est en pleine guerre civile où le régime syrien massacre son propre peuple. Est-ce que quelqu'un pense vraiment qu'il va brusquement cesser de tuer pour permette aux inspecteurs de sécuriser les armes chimiques et de les détruire ?", interroge de son côté un responsable américain sous couvert d'anonymat. "C'est une bonne idée mais difficile à réaliser", conclut-il.
Opération "coûteuse" et "délicate". "Fabriquer des armes chimiques est une chose. Quand il s'agit de les détruire, c'est bien plus coûteux et plus délicat sur le plan technique et juridique", renchérit Michael Luhan. Les opérations de neutralisation diffèrent selon que l'agent est déjà ou non chargé dans une roquette ou un missile, ou simplement stocké en vrac et assemblés juste avant l'usage. Dans le premier cas, la méthode est l'incinération dans des usines idoines ; dans le second, la neutralisation se fait par injection d'un composé chimique pour rendre le produit inerte. Selon les renseignements français divulgués début septembre, les stocks syriens sont "en partie stockés sous forme binaire, c'est-à-dire sous la forme de deux produits chimiques, appelés précurseurs, qui sont mélangés juste avant l'emploi". Le processus prendrait des années et coûterait des milliards, comme le montre l'exemple américain. Les Etats-Unis ont dépensé près de 35 milliards de dollars en deux décennies pour se débarrasser de 90% de leurs stocks et n'auront pas terminé avant 2021.