Elle qui au départ s'était simplement greffée au mouvement a fini par en devenir le symbole. Theresa Spence, une chef amérindienne du Canada, est devenue en quelques semaines la figure de proue du mouvement de protestation de sa communauté. Un mouvement qui prend de l’ampleur dans le pays. Depuis qu’elle a entamé une grève de la faim, le 11 décembre dernier, cette femme de 49 ans s’est retrouvée sous les projecteurs.
Installée dans un tipi face au Parlement d’Ottawa, Theresa Spence ne se nourrit plus que de bouillon de poisson, d’eau et de thé. A l’origine de sa colère et de celle des Amérindiens du Canada, un projet de loi dit "mammouth", car il regroupe des dizaines de décisions sur le budget fédéral. Dans le lot figure la possibilité pour des personnes extérieures de louer des terrains faisant partie des réserves indiennes. Il allège aussi les contrôles sur les cours d’eau, les lacs et les terres utilisés par les autochtones, inquiets de cette évolution.
Un mouvement de protestation pour son village
Mère de cinq filles, Theresa Spence n’est pas tout à fait inconnue du grand public. L’année dernière, elle avait déjà donné de la voix pour défendre son village d’Attawapiskat, dans le nord de l’Ontario. Cette ville d’environ 2.000 habitants subissait une grave crise du logement et des dizaines de personnes vivaient alors dans des tentes ou des logements de fortune, rappelle Radio Canada. Ottawa avait alors mis la communauté sous tutelle et lancé des travaux.
La crise du logement à Attawapiskat :
Cette fois, Theresa Spence est en passe de devenir le porte-voix de toute sa communauté au Canada, qui regroupe 1,2 millions de citoyens amérindiens, Métis ou Inuits. Au moment du dépôt de la loi controversée au Parlement, des représentants de la communauté ont monté un mouvement baptisé "Idle no more", "nous ne sommes plus passifs", pour lutter contre le texte. Dans la foulée, Theresa Spence a lancé sa grève de la faim.
Refus de rencontrer un ministre
Inutile de se fier à son allure d’institutrice, la chef d’Attawapiskat a un caractère bien trempé. Elle a par exemple refusé de rencontrer le ministre des Affaires indiennes, John Duncan, rapporte La Presse. Son argument : "il n’est pas capable de penser par lui-même. C’est un politicien programmé".
Dernier rebondissement en date : Theresa Spence a annoncé mercredi qu’elle annulait sa participation à une réunion prévue vendredi avec le Premier ministre, Stephen Harper, qu’elle réclamait pourtant. La chef amérindienne estime que le Gouverneur général du Canada, David Johnston, représentant de la reine Elizabeth II et chef d’État en titre du pays, doit être présent.
Des traités des XVIIe et XIXe siècles
Pour cela, elle s’appuie sur les traités signés aux XVIIIe et XIXe siècles entre les autochtones canadiens, jamais officiellement battus, et les colons britanniques. Pour elle, ces textes signés par ses ancêtres sont ceux qui sont la base de la "légitimité du Canada". Ottawa a donc de quoi s’attendre à un sérieux bras de fer de la part de celle qui se dit "prête à mourir pour [son] peuple".