>> La Constituante tunisienne doit procéder dimanche au vote d'adoption de la nouvelle Constitution trois ans après la révolution et alors que le pays reste empêtré dans une crise politique après l'échec surprise de la formation d'un gouvernement d'indépendants.
Tablette numérique à la main, elles cochent les noms des députés présents dans l’hémicycle. Ces jeunes Tunisiennes, sont membres de l’ONG Al Bawsala - la boussole en français - qui surveille les élus membres de l’Assemblée constituante chargés d’écrire la nouvelle Constitution du pays.
"Un texte inédit et hybride". Car les députés sont sous pression. Très tôt le matin, jusqu’à tard le soir, ils débattent entre progressistes et membres du parti islamistes Ennahda de chaque article qui figurera dans la nouvelle Constitution. "Un texte inédit et hybride car il est le fruit d’un consensus politique permanent", décrypte Fadhel Moussa, député et professeur de Droit. "Je n’ai jamais vu une Constitution comme celle-ci, dans aucun pays au monde, car elle s’écrit au quotidien", explique-t-il au micro de l’envoyé spécial d’Europe 1 à Tunis, Xavier Yvon
L’Assemblée, alias le "zoo". Un travail de longue haleine qui fatigue et échauffe les esprits dans l’hémicycle. L’assemblée constituante est même surnommée "le zoo" par certains Tunisiens, tant l’ambiance peut être chaotique parfois. L'examen du texte a été ralenti par une multitude de disputes et de controverses si bien que la Constitution n'a pas été adoptée comme promis par la classe politique pour le 14 janvier, 3e anniversaire de la révolution.
Alors pour s’assurer que les députés ne relâchent pas l’attention, et finissent le travail, des journalistes sont toujours présents à l’Assemblée mais aussi l’ONG, Al Bawsala qui rapporte chaque vote sur son site internet et sur Twitter. Grâce au travail de cette ONG tout le monde peut suivre quasiment en temps réel ce qui se passe dans l’Hémicycle. Soit sur le site de l’association, soit sur Facebook, soit sur son compte Twitter.
Elle quitte la France pour son devoir de citoyen. Lorsque certains députés ont décidé de faire l’école buissonnière, les membres de l’association leur téléphonent pour leur dire de venir faire leur travail et voter les articles importants de la future Constitution. Ons Ben Abdelkarim a 24 ans et elle a quitté la France, et mis ses études entre parenthèses, pour venir assurer ce travail de veille.
"Dans trente ans, je n’ai pas envie de regarder en arrière et constater que j’avais la chance de participer à cette période historique pour construire un pays démocratique, et que je n’ai rien fait", confie la jeune femme à Europe 1.
Le vote du texte dans un contexte tendu. Les députés ont déjà approuvé article par article le projet de Constitution lors de débats houleux entre le 3 et le 23 octobre opposant notamment les islamistes d'Ennahda majoritaires et leurs détracteurs. La séance de l'Assemblée nationale constituante, prévue à l'origine pour la matinée a été cependant reportée à l'après-midi, selon la députée Karima Souid, assesseur de la présidence de la Constituante chargée de l'Information. Ce texte, qui consacre un exécutif bicéphale et accorde une place réduite à l'islam, devrait recueillir la majorité nécessaire des deux tiers des 217 élus, des compromis assez larges ayant été négocié pour permettre son adoption.
Plus de deux ans de travaux ont été nécessaires pour aboutir à ce compromis qui vise à éviter une dérive autoritaire dans un pays qui a connu plus d'un demi-siècle de dictature, sous Habib Bourguiba, puis sous Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011. En cas d'échec cependant, une seconde lecture devra avoir lieu. Si elle échoue aussi, le projet sera soumis au référendum, ce que l'essentiel de la classe politique souhaite éviter.
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