Sidi Bouzid a retrouvé son calme vendredi matin. Mais la nuit a été agitée dans le berceau de la révolution tunisienne. Une manifestation d’opposition au pouvoir en place s’est en effet conclue vendredi soir par des affrontements avec les forces de l’ordre.
Quelque 800 personnes défilant dans la nuit contre le gouvernement, dominé par les islamistes d'Ennahda, ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Dans la matinée précédente, la police avait dispersé de la même manière une première manifestation d'opposition. Au moins cinq personnes avaient été légèrement blessées et cinq autres interpellées.
Mécontentement social croissant
Cette fois, le porte-parole du ministère de l'Intérieur Khaled Tarouch a affirmé ne pas pouvoir donner de bilan des arrestations à Sidi Bouzid. Jeudi soir, le ministre de l'Intérieur Ali Laârayedh avait dénoncé les agissements d'une "minorité". "Nous respectons le citoyen mais nous respectons aussi la loi (...) nous ne voulons pas qu'une minorité impose ses opinions à la majorité, faute quoi nous deviendrions un Etat désorganisé et, Dieu nous en préserve, notre démocratie serait dévoyée", a-t-il déclaré.
Signe d'un mécontentement croissant, le week-end dernier, des manifestants protestant contre des coupures d'eau avaient été dispersés sans ménagement dans une localité voisine. Fin juillet des protestataires de Sidi-Bouzid avait déjà fait face à des tirs de sommation de la police. Les manifestants s'étaient réunis jeudi à l'appel de plusieurs partis d'opposition et des syndicats pour réclamer la démission du gouvernement et de meilleures conditions de vie.
Dérives
Sidi Bouzid est située dans une région particulièrement pauvre et marginalisée sous l'ancien régime. Or, la situation économique et sociale ne s'y est guère améliorée depuis la révolution. Cette ville a une importance hautement symbolique pour de nombreux Tunisiens, en tant que berceau de la révolte qui a abouti le 14 janvier 2011 à la fuite de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali en Arabie saoudite. Le point de départ a été la mort le 17 décembre 2010 de Mohamed Bouazizi, 26 ans, un vendeur ambulant qui s'est immolé par le feu pour protester contre les saisies musclées de ses marchandises par la police.
La misère, le chômage et la corruption étaient au coeur des raisons de ce soulèvement, et nombreux sont ceux en Tunisie qui estiment que le gouvernement de coalition en place a failli sur le plan économique. L'opposition et la société civile ont multiplié les critiques contre les islamistes qu'ils accusent de dérive autoritaire et conservatrice.