En 2010, alors que le destin de la Tunisie bascule, elle alimente les réseaux sociaux pour relayer en temps réel et mobiliser les Tunisiens. Sarah Ben Hamadi, 28 ans, a très vite compris que sous Ben Ali, l'ancien président tunisien déchu, "Internet et la blogosphère étaient les seuls espaces de liberté, malgré la censure qui y sévissait". Aujourd'hui, elle est devenue journaliste à Tunis.
Mercredi, Sarah, et son smartphone, était sur les lieux au moment où l'ambulance contenant le corps de Chokri Belaïd est passée dans les rues de la capitale, escortée par des manifestants qui imputaient son assassinat aux islamistes au pouvoir.
"Des femmes s'évanouissaient". "Ça a commencé à partir dans tous les sens. La police a chargé, a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les gens, d'abord pour qu'ils n'atteignent pas l'avenue Bourguiba. Mais comme les gens étaient vraiment déterminés, ils n'ont pas reculé", raconte Sarah Ben Hamadi, interrogée par Europe1.fr.
cortege accompagnant la dépouille de chokri belaod en ambulance se dirigeant vers av. bourguiba devant le MI twitter.com/Sarah_bh/statu…— Sarah Ben Hamadi (@Sarah_bh) 6 février 2013
Tout a dégénéré devant le ministère de l'Intérieur. "Des gens ripostaient avec des pierres. C'était assez violent. C'était affreux de voir des policiers qui chargeaient alors qu'une ambulance avait un mort dedans et sa famille", déplore la journaliste très émue par les scènes qu'elle vient de voir au cœur de Tunis. "L'émotion était vive, les gens pleuraient. Il y avait même des femmes qui s'évanouissaient", se souvient la journaliste.
"L'opposition harcelée". Après cet assassinat, un sentiment d'incompréhension mêlée à de la colère domine. "C'est un véritable choc pour nous. Il y a une escalade et une banalisation de la violence. Avant cet assassinat, l'opposition a toujours été harcelée -pas par le gouvernement- mais par des groupes comme celui de la Ligue de la protection de la révolution (le bars armé d'Ennahda, ndlr). Elle n'arrêtait pas d'attaquer des meetings de l'opposition. Ces groupes bénéficient quand même de la caution du gouvernement. Quand ils attaquent le local ou un meeting d'un parti de l'opposition, le parti au pouvoir essaye de banaliser ou de relativiser ces faits-là", explique Sarah Ben Hamadi.
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"Tout le monde est sous le choc". Cet évènement constitue un point de non-retour, selon cette blogueuse. "On pensait être dans une transition démocratique et que là, ça devient des assassinats politiques… On ne peut pas organiser des élections dans un contexte pareil. Les opposants vont avoir tous peur pour leur vie", déplore Sarah Ben Hamadi. "Tout le monde est sous le choc et moi personnellement, j'ai la rage aujourd'hui parce qu'on ne comprend pas ce qui s'est passé. On ne comprend pas que deux ans après la révolution, on se retrouve avec un assassinat politique d'un militant qui était opposant sous Ben Ali", assure la journaliste "choquée" de ce qu'elle a vu à Tunis ce 6 février 2013.