Alors que des milliers de Tunisiens se sont rassemblés samedi sur l'emblématique avenue Bourguiba à Tunis pour fêter le premier anniversaire de la chute de Ben Ali, la liberté totale n’est pas encore au rendez-vous. Le 23 octobre dernier, le parti islamiste d’Ennahda a remporté les élections législatives. Depuis ce succès électoral, une vingtaine de salafistes ont investi la faculté des lettres de la Manouba, près de Tunis. Ils imposent aux étudiants de porter le niqab, le voile intégral, pour celles qui le souhaitent en cours ou lors des examens.
"J’ai été frappée"
Depuis plusieurs semaines, les 8.000 étudiants, privés d’enseignement, sont pris en otage dans un bras-de-fer de plus en plus tendu avec les salafistes alors que se rapprochent les examens. Plusieurs enseignants, qui refusaient des étudiantes porteuses de niqab, ont été frappés, insultés voire menacés de mort.
C’est le cas d’Amel Jaïdi, la directrice du département d’anglais qui a été violemment prise à partie. "J’étais en cours, quand une fille débarque, toute voilée en noir en disant : 'moi je ne sortirai pas et je resterai le visage couvert'. Elle est allée chercher les salafistes. Ils étaient une vingtaine. J’ai été frappée. Ils m’insultaient. Et puis l’un d’eux se dirige vers moi et me dit : 'je vais te liquider'. Je suis en danger de mort", témoigne cette enseignante au micro d’Europe 1.
"Ils sont endoctrinés"
Amel Jaïdi redoute des affrontements très violents entre les salafistes qui vont tenter d'empêcher le déroulement des examens et les 8.000 étudiants, paniqués à l'idée de perdre leur année universitaire : "la semaine prochaine commencent les examens semestriels. Si jamais ils [les salafistes] restent là, il y a de grands risques qu’il y ait un bain de sang. Il y a parmi eux des gens qui sont complètement fous qui peuvent tout faire, qui sont prêts à tuer. Ils sont endoctrinés. Ils croient durs comme fer que si jamais ils tentent quoi que ce soit, ils entreront directement au paradis".
Depuis la victoire électorale, les salafistes, jusque-là en retrait sous l’ère Ben Ali, sont de plus en plus présents dans la société tunisienne. Certains d'entre eux ont récemment pris d’assaut une maison-close de la capitale pour réclamer sa fermeture. De même, ils sont intervenus en septembre dans une université de la ville de Sousse pour réclamer le droit de s’inscrire pour les étudiants qui portaient le niqab.
Au mois de novembre dernier, le doyen de la faculté de lettres de Manouba avait été séquestré plusieurs heures pour obtenir de lui la séparation des étudiants et des étudiantes ainsi que la création d’une salle de prière dans l’enceinte de cette université.