Trois jours après la fuite du président Zine el Abidine Ben Ali en Arabie Saoudite, la Tunisie entre dans une phase de crispation. Les partisans de Ben Ali semblent n'avoir perdu ni leur capacité de nuire, ni leur aspiration à la contre-révolution. La situation s'est brusquement tendue dimanche après-midi. Des tirs sporadiques puis nourris ont retenti dans le centre-ville de Tunis, non loin du ministère de l'Intérieur.
Scène de guerre autour du palais présidentiel
Les forces spéciales tunisiennes ont attendu la nuit de dimanche à lundi pour donner l'assaut au palais présidentiel, à Carthage. Là sont retranchés des membres de la garde présidentielle.
"Il y a une fusillade intense et continue autour du palais présidentiel", a témoigné une femme dimanche. "Le bruit est très fort. Je crois qu'il ne s'agit pas simplement de balles."
Les incidents sont nombreux
Un peu plus tôt dans l'après-midi, des tirs avaient également été échangés devant le siège d'un parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP) à l'issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers.
Un neveu de l'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, Kaïs Ben Ali, a par ailleurs été interpellé par l'armée à Msaken (centre), dans la nuit de samedi à dimanche avec dix autres personnes qui "tiraient en tous sens" à bord de véhicules de police, selon des témoins. Kaïs Ben Ali a la réputation d'être un potentat local à Msaken, une localité de la région d'origine de l'ex-président Ben Ali.
"Appelez les voisins en cas d’alerte"
Et le sentiment d’insécurité reste présent chez les habitants. Leïla, qui habite à deux pas du ministère de l’Intérieur, a vu l’armée tirer sur un jeune qui fumait une cigarette. "Ici, c’est un homme de 21 ans qui est mort en plein centre-ville pour une cigarette", déplore cette Tunisienne qui souhaiterait voir l’armée prendre en main la sécurité du pays le temps que la situation politique se stabilise.
Sur Facebook, les habitants de Tunis se passent le mot. "Les militaires font appel aux comités de sureté civiles dans les quartiers. Gardez le numéro de téléphone de vos voisins et appelez-les en cas d'alerte", écrit une jeune femme.
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Beaucoup de magasins gardaient portes closes dimanche. Un problème pour les habitants de la capitale qui commencent à avoir des difficultés pour s’approvisionner en nourriture. Sofian, qui tient un café dans la capitale, a tenu à rouvrir son établissement dimanche "pour donner un signe" aux habitants. "Hier c'était fermé parce qu'on n'avait plus assez de lait et de sucre, mais aujourd'hui on a décidé que ça devait être ouvert", a expliqué le cafetier sur Europe 1.
"On essaie d'aider les habitants", explique Sofian sur Europe 1 :
La menace de l'islamisme
Autre source d'inquiétude pour les Tunisiens, le retour de l'islamisme. Rached Gannouchi, chef du parti islamiste Ennahdha, exilé à Londres, veut rentrer dans son pays. Il se dit disposé à la formation d'un gouvernement d'union nationale. La vacance du pouvoir fait donc craindre un risque d'islamisation de la Tunisie, un risque réel mais loin d'être certain selon le rédacteur en chef des cahiers de l'Orient, Antoine Sfeir.
"Il est certains que les islamistes cherchent à instrumenter la révolte du Jasmin. Et Ennahdha a toujours des implantations dans le sud de la Tunisie. mais il n'est pas sûr que Rached Gannouchi car il y a une majorité de Tunisiens qui ne veut pas entendre parler de islamisme", explique-t-il sur Europe 1.