Tunisie : le "laxisme" d'Ennahda

Pour Nejib Chebbi  le climat de la démocratie est "favorable dans la mesure où ces gens sont totalement isolés par rapport à la population qui n'exprime aucune solidarité à leur égard".
Pour Nejib Chebbi le climat de la démocratie est "favorable dans la mesure où ces gens sont totalement isolés par rapport à la population qui n'exprime aucune solidarité à leur égard". © REUTERS
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Charles Carrasco , modifié à
INTERVIEW - Nejib Chebbi dénonce "la complaisance" du parti au pouvoir face à Ansar Ashariaa.

L'INFO. Après l'interdiction d'un rassemblement d'Ansar Ashariaa, un mouvement proche d'Al-Qaïda, la Tunisie a de nouveau sombré dans la violence. Des heurts ont fait dimanche un mort et une quinzaine de blessés lors d'affrontements à Tunis et à Kairouan. Pour l'ancien ministre et opposant tunisien Nejib Chebbi, ces actes sont, en partie, imputables à Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, qui a été "laxiste" avec les islamistes radicaux. 

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"Nous avons souffert d'un laxisme de la part du gouvernement et particulièrement du ministère de l'Intérieur qui était dirigé par l'actuel chef du gouvernement", a accusé Nejib Chebbi. "Il a montré une certaine complaisance face à la violence salafiste. Nous avons assisté à l'attaque de galerie d'art, de réunions publiques… On est arrivé à l'assassinat de Chokri Belaïd", a-t-il encore déploré au micro d'Europe 1.

"Face a cette violence, nous n'avons vu aucune réaction rigoureuse de la part de l'Etat. Certaines fractions du mouvement Ennahda -je ne l'accuse pas dans sa totalité- y voyaient une force de réserve à laquelle ils recourraient en cas de dangers ou comme une force de manœuvre", a poursuivi Nejib Chebbi, sous protection policière depuis plusieurs mois, et qui a confirmé lundi avoir des ambitions présidentielles aux prochaines élections.

Et pourtant, le parti au pouvoir Ennahda a durci sa position depuis quelques semaines. Notamment après que seize militaires et gendarmes ont été blessés entre fin avril et début mai par des mines posées par des groupes armés liés à Al-Qaïda à la frontière avec l'Algérie. Dimanche, le Premier ministre tunisien, issue d'Ennahda, a même qualifié de "terroriste" le groupe salafiste Ansar Ashariaa. "Il a dit ce qu'il aurait dû dire depuis longtemps", a réagi Nejib Chebbi. "Ansar Ashariaa fait partie de la nébuleuse djihadiste. Elle a une dimension régionale en Afrique du Nord mais aussi internationale. Et les armes viennent de l'autre côté de la frontière d'Algérie et de Libye. Il existe aussi des ramifications", a-t-il alerté.

Ansar al-charia

© REUTERS

Qui sont ces djihadistes ? Son chef en fuite Abou Iyadh, un vétéran d'Al-Qaïda en Afghanistan libéré de prison à la faveur de l'amnistie post-révolutionnaire, a menacé le gouvernement d'une "guerre" la semaine dernière, accusant Ennahda de mener une politique anti-islam. Pour Nejib Chebbi, ces salafistes ne croient pas "aux élections" qu'ils assimilent à une "hérésie, une déviance". Leur exemple ? "L'Afghanistan des talibans ! Ce sont des rigoristes absolus. Ils sont prêts à se faire tuer". Ces hommes sont dotés d'une "conception "simpliste mais dangereuse". "L'homme est vicaire de Dieu et il interprète sa volonté. Il a pour mission d'appliquer la volonté divine par le recours à la violence. On ne peut pas vivre en démocratie comme ça", s'est insurgé l'opposant tunisien.

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Un mouvement "isolé". Pour autant, si "la Tunisie est entrée dans une confrontation avec la fraction la plus extrémiste et violente du mouvement islamiste", le climat de la démocratie est "favorable dans la mesure où ces gens sont totalement isolés par rapport à la population qui n'exprime aucune solidarité à leur égard", a affirmé l'ancien ministre tunisien. "J'appelle les Tunisiens à l'unité contre le terrorisme qui ne doit pas être l'apanage d'un gouvernement qui a fait preuve de beaucoup de défaillances. J'appelle nos partenaires européens et de la région à être solidaire de la Tunisie et soutenir la transition démocratique", a-t-il conclu.