Le remaniement ministériel, initialement annoncé pour mercredi, aura finalement lieu jeudi, d'après le porte-parole du gouvernement de transition. Le report est dû aux vives discussions entre le Premier ministre Mohammed Ghannouchi, en désaccord sur l'ampleur du remaniement. Mohammed Ghannouchi serait prêt à congédier les ministres de la Défense, de l'Intérieur et des Affaires étrangères. L'Union générale des travailleurs tunisien (UGTT) souhaiterait le départ d'au moins deux autres ministres issus de l'ancien parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), titulaires de ministères régaliens.
Des grèves générales
Comme chaque jour depuis le début du mouvement de colère, des milliers de Tunisiens ont encore manifesté mercredi, dans un climat de plus en plus tendu. Ils exigent la formation d'un nouvel exécutif épuré de tous les ministres ayant servi sous Ben Ali.
Dans la métropole économique de Sfax, bastion historique du syndicalisme tunisien, l'UGTT avait convoqué une "grève générale". Des milliers de travailleurs de tous les secteurs ont ainsi débrayé pour exiger la démission du gouvernement et ils étaient plusieurs milliers à manifester mercredi après-midi. Certains syndicats faisaient état de 50.000 manifestants.
A Sidi Bouzid, foyer de la révolution qui a provoqué la chute du président Ben Ali, au centre-ouest du pays, le syndicat UGTT a appelé à une nouvelle grève générale jeudi.
Ghannouchi contesté
Ce remaniement semble être la dernière carte à jouer pour tenter de calmer la colère de la rue contre la mainmise des caciques du régime Ben Ali sur le gouvernement de transition - formé après la chute du régime de l'ancien président déchu le 14 janvier. Les Tunisiens souhaitent que les anciens ministres de Ben Ali disparaissent du pouvoir. Et ce, alors qu’ils occupent aujourd’hui la plupart des postes-clés, à la Défense, l’Intérieur, la Justice ou aux Affaires étrangères. Certains seraient prêts à démissionner.
Mohammed Ghannouchi, dernier en date des Premiers ministres de Ben Ali, qui a occupé le poste pendant onze ans, et qui assure la transition, est également très contesté par les protestataires qui réclament sa tête. Et ce, en dépit de tous les gages d'ouverture démocratique donnés et des premières mesures sociales annoncées, comme le versement d'une allocation aux chômeurs diplômés de longue durée.
Interpol recherche Ben Ali
En marge de cette actualité politique, la journée de mercredi a aussi été marquée par une décision de la justice tunisienne, qui a lancé un mandat d'arrêt international contre le président déchu Zine El Abidine Ben Ali, ainsi que contre son épouse Leïla Trabelsi et neuf membres de leur famille. Dans la foulée, Interpol a lancé des recherches pour arrêter et localiser l'ex-chef d'Etat. Les époux Ben Ali sont poursuivis pour "acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers" et "transferts illicites de devises à l'étranger", a précisé le ministre de la Justice.
Ben Ali a trouvé refuge en Arabie Saoudite. Son épouse Leïla, honnie par la population pour avoir mis le pays en coupe réglée en faisant main basse sur des pans entiers de l'économie, a également quitté le pays, mais à une date et pour une destination inconnues. D'après des médias canadiens, Belhassen Trabelsi, l'un des proches de Ben Ali visés par un mandat d'arrêt international, serait au canada depuis la semaine dernière. Il résiderait, avec sa femme et ses quatre enfants, dans un hôtel chic à l'ouest de l'île de Montréal.