Les résultats définitifs et officiels ne devaient pas être annoncés avant mardi par la Commission électorale (Isie) mais les premières tendances et déclarations confirment la percée du parti islamiste Ennahda. Lors d'une conférence de presse lundi, Abdelhamid Jlassi, directeur du bureau exécutif du parti, a évalué le score de sa formation "à plus de 25, 30%" des voix déjà dépouillées.
Dans un premier temps, Samir Dilou, membre du bureau politique d'Ennahda, avait assuré lundi matin à l'AFP qu'il s'attendait à ce que sa formation obtienne "environ 40% des voix" à l'Assemblée constituante. "On n'est pas très loin des 40%, ça peut être un peu plus un peu moins, mais on est sûr de l'emporter dans 24 (des 27) circonscriptions" du pays, avait anticipé Samir Dilou, citant "les propres sources" de son parti.
Un autre dirigeant du mouvement, sous couvert de l'anonymat, a indiqué à l'AFP que son parti obtiendrait "entre 60 et 65 sièges" sur les 217 que comptera la future Assemblée constituante. Celle-ci aura pour mission de désigner un gouvernement provisoire et de fixer la date d'élections législatives et présidentielle.
Victoire chez les Tunisiens de l'étranger
Quelques heures plus tôt, la radio nationale tunisienne avait annoncé qu'Ennahda sortirait largement vainqueur des élections à l'Assemblée constituante, rapporte Le Figaro. A Sfax, deuxième ville du pays, il obtiendrait 40% des voix, d'après un échantillon représentatif. Dans la circonscription de Ben Guerdane (sud), frontalière avec la Libye, il réaliserait un score de 56%.
Ennahda serait aussi plébiscité par les Tunisiens de l'étranger. Dans la soirée de lundi, la Commission électorale a annoncé que le parti islamiste avait remporté 9 des 18 sièges réservés à la diaspora tunisienne. Suivent ensuite le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) avec 4 représentants, Ettakatol (gauche) avec 3 élus, le Pôle démocratique moderniste (gauche) et la Liste pour la liberté et le développement (centre), 1 élu chacun. La Commission électorale a cependant précisé qu'il s'agissait encore de résultats provisoires.
A noter qu'en France, où la communauté tunisienne est la plus importante avec quelque 600.000 personnes, Ennahda a obtenu 4 sièges sur 10.
Bataille pour la deuxième place
Derrière Ennahda, deux partis semblent se disputer la deuxième place : le mouvement Ettakatol (gauche) de Mustapha Ben Jaafar et le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste) de Moncef Marzouki. "Nous aurons autour de 15% des suffrages, ce qui se traduirait par un minimum de 30 sièges selon des statistiques à l'échelle nationale", a déclaré à l'AFP Khalil Zaouia, numéro 2 d'Ettakatol. La surprise est venue en revanche de la défaite du Parti démocrate progressiste (PDP, centre gauche), formation historique tunisienne qui s'est posée pendant toute la campagne comme principale force alternative à Ennahda.
Même son de cloche du côté du CPR. "On espère être les seconds", a indiqué à l'AFP Moncef Marzouki, dirigeant du CPR crédité de 15 à 16% des suffrages, selon des estimations concordantes. "De toute façon, ce qui compte, c'est que nous avons désormais une véritable cartographie politique. Le peuple tunisien a assigné à chacun son poids", a déclaré à l'AFP l'ancien opposant en exil à Ben Ali.
Plusieurs partis reconnaissent leur défaite
"C'est clair qu'Ennahda devance tout le monde dans la grande majorité des circonscriptions", a reconnu Adel Chaouch, membre du bureau politique d'Ettajdid (gauche).
Le Parti démocrate progressiste (PDP), parti tunisien laïc du centre-gauche donné deuxième par les sondages avant le vote, a de son côté reconnu sa défaite. "Les tendances sont très claires. Le PDP est mal positionné. C'est la décision du peuple tunisien. Je m'incline devant ce choix. Je félicite ceux qui ont obtenu l'approbation du peuple tunisien", a confié à l'AFP Maya Jribi, la secrétaire générale du PDP. Elle a par ailleurs indiqué que sa formation se rangerait dans le camp de l'opposition si les islamistes d'Ennahda conduisait la majorité.
Plusieurs observateurs ont aussi remarqué des irrégularités lors de l'élection. Ils ont par exemple pu voir des membres du parti islamiste accompagner des Tunisiens à leur bureau de vote.