Un Pape diplomate. Difficile exercice d'équilibriste pour le Pape François. Arrivé vendredi à Ankara pour une visite de trois jours en Turquie, le titulaire du Saint-Siège s'efforce dans ses discours de fustiger le fondamentalisme, de quelque confession qu'il soit, sans pour autant alimenter les craintes "d'islamophobie" dont lui a fait part Recep Tayyip Erdogan, président d'une Turquie à 98% musulmane.
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Accueilli par le chef d'Etat dans son "palais blanc" à 277 millions d'euros, le Pape François a donc insisté sur ce point : il appelle à une lutte contre "toutes les formes" de fondamentalisme, tout en défendant une "solidarité des croyants", toutes fois confondues. La Turquie a vocation à être "un pont naturel entre deux continents et des expressions culturelles différentes", a estimé le Saint-Père, "une contribution importante peut venir du dialogue interreligieux et interculturel, de manière à bannir toute forme de fondamentalisme et de terrorisme".
Ses premiers mots ont été pour la guerre en Syrie et en Irak. S'il a d'abord félicité la Turquie pour ses efforts –ouverture de sa frontière aux combattants kurdes irakiens pour aller combattre l'Organisation de l'Etat Islamique à Kobané (OEI), accueil des réfugiés – il a néanmoins rappelé au président turc qu'il était "licite" de "stopper un agresseur injuste". En effet, la Turquie n'est pas intervenue directement pour combattre l'OEI à Kobané, ville syrienne pourtant située à quelques kilomètres de sa frontière.
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Le combat de François pour les réfugiés. Mais au-delà des considérations stratégiques et militaires, le Pape a surtout rappelé sa priorité : "Ce qui est nécessaire, c'est un engagement de notre part à tous de faire en sorte que des ressources soient mobilisées, pas pour des armes, mais pour les autres nobles luttes de l'humanité: la lutte contre la faim et la maladie", a-t-il poursuivi. Et pour cause, parmi les deux millions de personnes réfugiées en Turquie depuis le début des combats en Syrie en mars 2011, des milliers d'entre elles sont chrétiennes : "Il est essentiel que tous les citoyens - musulmans, juifs et chrétiens - disposent dans la loi et dans la pratique de mêmes droits et respectent les mêmes devoirs."
La possible polémique de Sainte-Sophie. Le pape arrivera samedi à Istanbul, où il sera reçu par le patriarche œcuménique Bartholomée, primat de l'Église orthodoxe de Constantinople. Les deux dignitaires devraient lancer des appels conjoints en faveur du respect des droits de l'homme et de la liberté de culte, et faire part de leur crainte de voir le christianisme disparaître de ses berceaux proche-orientaux, a déclaré le révérend Dositheos Anagnostopoulos, porte-parole du patriarcat. Il est possible, a-t-il ajouté, que le pape aille prier à l'intérieur de la basilique Sainte-Sophie, érigée sous l'Empire byzantin avant d'être transformée en mosquée par les Ottomans après la chute de Constantinople. Officiellement, Sainte-Sophie a le statut de musée, mais une telle démarche pourrait déranger certains musulmans qui aimeraient voir l'édifice redevenir une mosquée.