Au sixième étage du tribunal d’Istanbul en Turquie, un groupe d’hommes armés a pris en otage un procureur mardi à la mi-journée. Ils ont été tués en fin de journée dans l'assaut de la police. Le magistrat, qui enquêtait sur la mort d’un jeune homme lors de la fronde démarrée en 2013 dans le parc Gezi, est mort de ses blessures au terme d'une prise d'otages de plusieurs heures
Une photo glaçante. Les kidnappeurs avaient publié dans l'après-midi sur internet, notamment sur Twitter, des photos de leur otage. On y voyait Mehmet Selim Kiraz visiblement apeuré, la bouche obstruée par un tissu et un pistolet sur la tempe. L’arme et le bâillon étaient dans les mains d’un homme en costume au visage partiellement caché par un bandana rouge et jaune. Des drapeaux du Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple, rouges avec un marteau et une faucille jaunes, avaient été accrochés dans la pièce. Une feuille de papier montrant la silhouette de Berkin Elvan, le jeune Turc sur lequel enquêtait le procureur, était également sommairement placardée sur le mur.
La mort de Berkin Elvan au centre des revendications. Les hommes, soupçonnés d’appartenir à l’organisation d’extrême-gauche, avaient menacé de tuer le procureur si les policiers responsables de la mort du jeune homme ne faisaient pas de "confession publique", selon des médias turcs. La presse locale a ajouté que le commando demandait la promesse de leur jugement devant un "tribunal du peuple".
La mort de Berkin Elvan en avril 2014 avait relancé les manifestants dans les rues d’Istanbul après une accalmie de plusieurs mois. Le jeune homme, sorti acheter du pain d’après sa famille, avait succombé à 269 jours d'un coma provoqué par le tir d'une grenade lacrymogène de la police lors d'une manifestation en juin 2013. Il était devenu le symbole de la violence et de l’impunité supposée des forces de l’ordre turques.
D’après des médias turcs, le père de Berkin Elvan s’était rendu sur place dans l'après-midi à la demande des ravisseurs. Plus tôt dans la journée, il leur avait demandé d’épargner le procureur, lors d’une conversation avec un député. "Mon fils est mort mais je ne veux pas que quelqu'un d'autre meure", avait-t-il déclaré, "le procureur doit être libéré, le sang ne peut pas effacer le sang".
A la faveur d’une panne d’électricité ? Il est possible que l’importante panne d’électricité qui a touché toute la Turquie mardi ait pu faciliter l’irruption du commando dans le tribunal. Istanbul ainsi qu’une dizaine d’autres villes ont été plongées dans le noir durant quelques heures. Cette coupure de courant géante aurait pu empêcher les détecteurs de métaux de fonctionner à l’entrée du bâtiment.