Les interpellations se multiplient, mais les twittos ne lâchent rien. Puisque qu’ils estiment que les médias traditionnels ne font pas bien leur travail, les jeunes Turcs se sont rapidement tournés vers les réseaux sociaux ces derniers jours, alors que le pays connaît une vague de contestation.
Une pratique que le gouvernement ne voit pas d’un bon œil et veut contrôler au plus près. Au sixième jour du mouvement, au moins vingt-cinq personnes ont déjà été interpellées mardi à Izmir, dans l’ouest du pays, pour avoir tweeté des "informations fausses ou diffamatoires" relatives aux manifestations qui se déroulent depuis vendredi dans le pays.
Arrêté pour avoir twitté
"Auraient-ils déjà supprimé la liberté d'opinion et je ne serais pas au courant ?", a écrit un utilisateur du réseau de micro-blogging Twitter, @CRustemov, "qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire d'être arrêté pour avoir tweeté ?"
Le Comité de protection des journalistes (CPJ), une ONG basée à New York, a réagi très promptement pour critiquer les velléités des autorités turques d'encadrer l'internet. "Imposer des restrictions va promouvoir la rumeur et les conjectures à un moment où le pays a besoin de faits et d'opinions librement exprimées", a jugé Nina Ognianova.
Les outils de la révolution
Comme ce fut le cas dans les "printemps arabes", Twitter et Facebook ont joué un rôle moteur aux premières heures de la contestation sans précédent qui vise le Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, accusé de dérive autoritaire et de vouloir "islamiser" la Turquie.
Les manifestants, jeunes en majorité, préparent leurs rassemblements et battent le rappel de leurs troupes sur les réseaux sociaux. Ils y diffusent aussi une foule de photos et de vidéos dénonçant la brutalité de la répression policière, lancent des appels à témoins ou diffusent des numéros de téléphone d'urgence.
Le documentaire de trop
Pour beaucoup de protestataires, ces réseaux constituent même le seul espace de réelle liberté face à des journaux, radios et télévisions très contrôlés. Alors que les premiers affrontements faisaient rage la semaine dernière, certaines chaînes de télévision d'information ont refusé d'interrompre leurs programmes. Ainsi CNN-Türk, qui a diffusé un documentaire sur les pingouins...
L’image est même devenue une plaisanterie sur le web et les internautes détournent des photos de pingouins qu’ils postent ensuite sur Twitter.Gülme zamanı..Arkadaşlar şu resme bakın, Ayrıca "I am çapuling" Mizah bile iktidar yıkar.Site: imgur.com/a/ANiUY/layout…twitter.com/ORHANBURSALI/s…— ORHAN BURSALI (@ORHANBURSALI) June 4, 2013
Invité de la chaîne, l'acteur et réalisateur Sermiyan Midyat a protesté contre ce qu'il a qualifié de censure en retirant en direct sa chemise pour laisser un apparaître un T-shirt floqué d'un pingouin et du logo de la station.
Autre anecdote, un animateur de jeu télévisé de la chaîne Bloomberg TV qui a eu le mauvais goût lundi de faire tourner toutes ses questions à un candidat sur le thème des manifestations a vu son émission supprimée dès le lendemain.
Le relais pris par Twitter n'a pas été du goût du Premier ministre. "Il existe un fauteur de troubles qui s'appelle Twitter", a-t-il fulminé dans un discours dimanche, "on peut y trouver les pires mensonges". Ces propos ont alimenté les craintes de ses utilisateurs, qui redoutent une nouvelle offensive du gouvernement contre les médias sociaux.