Le rendez-vous. L'avenir de l'Union européenne se joue à partir de jeudi. Les dirigeants des pays membres se réunissent jusqu'à vendredi, voire samedi, dans un contexte tendu. Si de nombreux chefs d’État espèrent encore "avoir le temps", pour reprendre les termes de François Hollande, de parler de la guerre eu Mali ou de la révolte tunisienne, c'est la question du budget de l'UE qui sera au centre des débats. "Vous demandez à un socialiste d'empêcher les conservateurs de faire un mauvais budget. Mais mon devoir est de faire des compromis", a résumé le président français mardi, devant un parlement européen qui l'a mandaté pour éviter des coupes trop sévères. Les dirigeants ont échoué, en novembre, à trouver un accord. Mais cette fois, l'Allemagne a prévenu qu'elle ne quitterait pas la table des négociations sans compromis. Un nouvel échec donnerait l'impression que les États ne croient plus en l'Europe. Et il s'agit de fixer une stratégie pour relancer une croissance atone et lutter contre une dette européenne estimée à 82,5% du PIB.
>>> S'il n'y avait pas d'accord ce ne serait, toutefois, pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Les pays du sud, de l'est , mais aussi la France pourraient bénéficier d'un statu quo. Pourquoi ? Explications.
Le budget de l'UE en quelques chiffres. Les "perspectives financières" de l'Union, comme on dit dans le jargon de Bruxelles, sont fixées tous les sept ans. Le dernier budget s'élevait à 925 milliards d'euros de dépenses effectives, avec un plafond de 975 milliards à ne pas dépasser. Un montant jugé bien trop élevé par certains pays contributeurs, comme l'Allemagne, le premier d'entre eux, et la Grande-Bretagne, qui plaide pour une Europe moins forte. Au sommet de novembre, les dirigeants ont échoué à se mettre d'accord sur un plafond fixé à 930 milliards.
Combien de coupes pour un compromis ? Pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, il faudra l'amputer d'encore 30 milliards pour parvenir à un véritable compromis. Le Premier ministre Britannique, David Cameron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, pourraient ainsi se contenter d'un tel accord. Le coupes, selon Herman Van Rompuy, s'appliqueraient alors aux projets d'infrastructures, aux frais de fonctionnement des institutions, aux moyens d'actions du Service d'action extérieure, mais aussi à la Recherche et l'Innovation, l'aide au développement et l'aide aux citoyens les plus pauvres.
>> À lire : Hollande refuse une Europe à la carte
LE truc à comprendre. Si aucun accord n'est trouvé, le précédent budget sera reconduit, année par année, jusqu'à ce qu'une décision soit prise. Avec les règles fixées en 2007, cela représente donc un budget d'environ 150 milliards par an.
Des coupes redoutées par les pays du sud. Une reconduction des anciennes règles serait un énorme soulagement pour les pays du Sud et de l'Est, comme la Grèce, le Portugal ou la Hongrie, bénéficiaires nets des fonds concernés par les coupes. L'Italie, plus ouverte à un compromis avec les pays qui prônent la rigueur, se satisferait tout de même d'un statut quo. À l'aube des législatives dans son pays, le chef du gouvernement, Mario Monti, a en effet avoué craindre "une orgie de coupes budgétaires."
Et la France ? Si le compromis proposé par Herman Van Rompuy est validé, les coupes devraient épargner la Politique agricole commune (PAC), dont la France est la première bénéficiaire. Toutefois, François Hollande serait quand même l'un des grands perdants de l'adoption d'un budget si serré. Car les coupes proposées concernent les investissements d'avenir. Et le pacte de croissance, fer de lance du candidat socialiste pendant la campagne présidentielle, serait tout bonnement enterré. Avec une absence d'accord, le pacte de croissance aurait une chance de survie et les fonds de la PAC seraient inchangés. "Tout bénéf" pour Paris donc.
L'Allemagne a beaucoup à perdre. Berlin est le premier contributeur de l'Union européenne, à hauteur de près de 20%. Plus y aura de coupe dans le budget européen, plus l’Allemagne fera des économies. De plus, elle doit toucher une ristourne d'un milliard d'euro, car elle a versé plus qu'elle ne le devait entre 2007 et 2013. Or, si aucun budget n'est décidé entre jeudi et vendredi, elle ne verra pas son chèque. Par ailleurs, la chancelière Angele Merkel a toujours été partisane d'une Europe unie et rigoureuse. Politiquement comme financièrement, elle a donc tout à perdre d'une absence de compromis. La Suède, les Pays-Bas et le Danemark sont également plutôt partisans d'un accord "à la Rompuy". Quant à la Grande-Bretagne, bien que partisante historique d'une Europe moins forte, elle ne risque pas grand-chose. Les britanniques ont en effet obtenu, lors d'un précédent sommet, un rabais de leur contribution au budget européen. Accord ou pas, ils paieront, quoi qu'il arrive, moins qu'avant.