USA : le combat d’une entreprise contre la pilule du lendemain

La chaîne de magasins Hobby Lobby a porté son combat jusqu'à la Cour suprême des Etats-Unis.
La chaîne de magasins Hobby Lobby a porté son combat jusqu'à la Cour suprême des Etats-Unis. © REUTERS
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avec agences
LA POLÉMIQUE - Une entreprise peut-elle priver ses salariés d’un libre accès à la pilule du lendemain ? La question peut sembler saugrenue vue de France. Mais pas aux Etats-Unis. 

L’INFO. Chez Hobby Lobby, une chaîne américaine de matériel d’arts créatifs, on "gère les activités en accord avec les principes bibliques". Dans ses 602 magasins un peu partout dans le pays, la chaîne familiale diffuse de la musique d’ambiance chrétienne et des publicités religieuses à Noël et à Pâques. Fait rarissime aux Etats-Unis, toutes ses enseignes sont fermées le dimanche, jour du Seigneur. Et l’entreprise aimerait bien aussi ne pas avoir à fournir à ses employés une couverture maladie qui leur donne accès à certains moyens de contraception comme la pilule du lendemain, ce que prévoit la loi Obamacare. La Cour suprême s’est penchée sur la question mardi.

Deux pilules et deux stérilets. Ce recours, déposé par Hobby Lobby, une librairie religieuse et Conestoga, un petit fabriquant de placards, est le premier contre la réforme de la santé de Barack Obama, validée il y a deux ans. Ce qui fâche les patrons de Hobby Lobby, c’est que cette loi prévoit le remboursement intégral de plusieurs moyens de contraception par la couverture maladie souscrite par les entreprises. Sur les vingt moyens prévus, deux pilules du lendemain et deux types de stérilet, sont considérés comme… des moyens d’avortement par les plaignants. 

Les manifestants pro-Hobby Lobby en pleine prière devant la Cour suprême :

"Nous ne payerons pas pour un produit abortif". David Green, fondateur du groupe dont le siège est situé dans l’Oklahoma, fils et frère de pasteurs pentecôtistes, estime en effet que "ces produits qui provoquent un avortement vont à l’encontre de notre foi et notre famille est maintenant contrainte de choisir entre la loi et nos croyances religieuses". Son fils Steve Green, président de Hobby Lobby, poursuit : "nous ne payerons pas pour un produit abortif, quel qu’il soit. Nous pensons que la vie commence dès la conception". Et ce père de six enfants de marteler : "il s’agit de vie, nous ne pouvons pas être impliqués quand il s’agit de prendre une vie".

Une question de liberté religieuse. Si Hobby Lobby, 28.000 salariés, a réussi à porter son cas jusque devant la Cour suprême des Etats-Unis, c’est parce que la chaîne s’appuie sur une exception à la loi Obamacare : les congrégations religieuses en sont en effet dispensées. A l’origine de la décision, une loi de 1993 selon laquelle l’Etat ne peut pas interférer "de manière substantielle" avec les convictions religieuses d’un individu ou groupe religieux. 

Devant la Cour suprême américaine

© REUTERS

Un précédent dangereux. Hobby Lobby aimerait donc bénéficier de la même disposition. Sauf que pour l’administration Obama, derrière laquelle sont rangées les trois femmes progressistes de la Cour suprême, une entreprise ne peut pas jouir du même droit à la liberté religieuse qu’une personne ou une congrégation religieuse. Sans compter que si l’entreprise familiale de l’Oklahoma remportait son combat, cela représenterait un précédent dangereux. "Vous verriez toutes sortes d’objecteurs sortir du placard en invoquant leur religion" pour refuser la vaccination ou les transfusions sanguines, a souligné l’une des juges. 

Réponse en juin. Lors des audiences mardi, la Cour s’est montrée très divisée. Une opposition frontale qui se retrouvait aussi devant le majestueux bâtiment, devant lequel manifestaient des féministes d’un côté et des militants anti-IVG de l’autre. C’est en juin que la Cour suprême rendra sa décision. Les quatre juges progressistes et quatre des cinq juges conservateurs n'ont pas fait mystère de leurs intentions de vote. L’issue repose donc entre les mains du juge Anthony Kennedy, qui s’est dit à la fois inquiet pour les droits des femmes et pour les entreprises familiales anti-avortement. 

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