Voilà un nom qu'il va falloir retenir. Arseni Iatseniouk, leader de l'opposition en Ukraine, s'est vu proposer le poste de Premier ministre par le président ukrainien. En 2010, il avait déjà refusé l'offre de Viktor Ianoukovitch à rejoindre son gouvernement. Mais lui fera-t-il la même réponse cette fois-ci ?
Il ne dit pas oui, il ne dit pas non. Juriste et économiste à l'ascension politique fulgurante, le député de 39 ans, marié et père de deux enfants, a refusé aussi bien d'accepter que de décliner la proposition du pouvoir. "Il n'y a pas d'accord", a-t-il réaffirmé dimanche sur Twitter, s'adressant directement au président Viktor Ianoukovitch. "Nous continuons ce que nous avons commencé. Le peuple décide des dirigeants, pas vous", a affirmé le chef de file au Parlement du parti Batkivchtchina de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko.
Devant les manifestants puis devant la presse samedi soir, Arseni Iatseniouk avait déjà refusé de se prononcer explicitement. "Quelle est notre réponse ? Avons-nous peur des responsabilités ? Nous n'avons pas peur de prendre nos responsabilités pour le destin de l'Ukraine. Nous acceptons ces responsabilités et nous sommes prêts à conduire le pays dans l'Union européenne", a-t-il lancé.
Image de "banquier intellectuel". Bien moins connu du grand public à l'étranger que l'ancien champion de boxe Vitali Klitschko, l'opposant, à l'image selon l'hebdomadaire Focus de "banquier intellectuel", est cependant un personnage familier dans les cercles diplomatiques. Ministre de l’Economie entre 2005 et 2006 puis brièvement ministre des Affaires étrangères en 2007, il a notamment négocié l'entrée de l'Ukraine dans l'Organisation mondiale du Commerce et le développement des relations avec l'Union européenne.
Il a surtout adopté une posture très ferme dans la crise politique actuelle, tranchant avec une image que certains trouvent un peu lisse. Mercredi soir, il a lancé un ultimatum au pouvoir, le sommant de faire cesser "le bain de sang" en offrant des concessions. "Si cette voie n'est pas celle qui est choisie (...) nous irons tous ensemble de l'avant, même si le résultat est une balle en plein front", a-t-il lancé. Il s'est rendu dans des postes de police réclamer la libération de militants interpellés ou sur des barricades avec des manifestants.
Un profil d'économiste, précieux. Originaire de Tchernivtsi, ce juriste et économiste de formation est devenu en 2001 ministre de l'Économie de Crimée, république autonome russophone au bord de la mer Noire. Après un passage par la banque centrale, la Révolution orange le propulse en 2005 au poste de ministre de l'Économie, une expérience qui pourrait s'avérer précieuse s'il accepte la proposition du pouvoir actuel.
Le pays est en récession depuis un an et demi et a frôlé la faillite, sauvé par un plan d'aide de 15 milliards de dollars accordé en décembre par la Russie. Les Européens ont accusé Moscou d'avoir exercé des pressions économiques sur Kiev. "Le pays est au bord de la faillite, les caisses sont vides", a-t-il rappelé samedi soir.
En 2007, Arseni Iatseniouk dirige la diplomatie du pays pendant quelques mois, affichant ses positions pro-occidentales et un certain souci de faire des économies : les médias avaient souligné alors qu'il utilisait souvent les avions de ligne pour ses missions officielles. Elu ensuite à la tête du Parlement, il devient le deuxième personnage de l'État. Candidat à la présidence, il obtient 7% des voix en 2010 et décline la proposition du vainqueur Viktor Ianoukovitch de rejoindre le gouvernement. Deux ans après, son parti, le Front pour le changement, décide de se dissoudre pour rejoindre le parti de Ioulia Timochenko.
UKRAINE - Ianoukovitch fait des concessions
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