Le fragile cessez-le-feu entré en vigueur dimanche en Ukraine a été obtenu au bout d'un très long marathon. C'est jeudi matin, à l'issue de près de 17 heures de négociations, que les dirigeants russes et ukrainiens se sont enfin mis d'accord à Minsk, sous la médiation de François Hollande et d'Angela Merkel. Invité dimanche du Grand Rendez-vous Europe 1/Le Monde/iTélé, Laurent Fabius, présent lors de ce sommet de la dernière chance, a raconté le déroulement de cette négociation. Et parsemé son récit de quelques anecdotes savoureuses.
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"Il n'y avait pas de journalistes, ce qui facilite la conversation". Le ministre des Affaires étrangères a d'abord insisté sur le sérieux de la préparation en amont. "Ça a été préparé de façon très précise, à la fois très politique et très professionnelle", a-t-il assuré. Le jour J, c'est à dire mercredi dernier, les délégations française et allemande ont finalement retrouvé Russes et Ukrainiens à Minsk, "joli port de mer", a précisé Laurent Fabius. Le décor ? "On était dans une grande pièce ronde, enfermés. Il n'y avait pas de journalistes, ce qui facilite la conversation", a ironisé le patron du Quai d'Orsay. "Nous étions une vingtaine, les Russes, les Allemands, les Ukrainiens, les Français. On est resté dix-sept heures ensemble".
"Des petits groupes qui se forment". Dix-heures riches en rebondissements, à en croire le ministre. "Evidemment, il y a des phases dans cette négociation. Il y a de petits groupes qui se forment, à deux, à quatre, à huit, à dix", a relaté Laurent Fabius. "Il y a, comme dans une tragédie, des moments de tension". Et d'énervement ? Non, "il n'y a pas eu de moment de colère", a-t-il assuré. "Je dois dire que les différents intervenants maîtrisent leurs nerfs".
La nourriture, "c'était pas le Quai d'Orsay..." Un détail d'importance : "pendant 17 heures, il faut quand même manger", a remarqué Laurent Fabius. Mais apparemment, les organisateurs n'ont pas daigné sortir le caviar. "La nourriture était assez... enfin, c'était pas le Quai d'Orsay, quoi !", s'est amusé le ministre. Une nourriture servie par "des jeunes filles, très charmantes d'ailleurs, qui passaient avec des biscuits, des choses comme ça".
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Les Russes trichent sur la traduction. Lorsqu'un texte a enfin été arrêté, les délégations n'étaient pas au bout de leurs peines pour autant. "Une fois que nous avons déterminé notre accord, il a fallu d'abord le traduire en russe", a expliqué Laurent Fabius. "Et là, les Russes ont toujours une méthode, que je connais pour avoir souvent négocié avec eux. On se met d'accord, si possible, sur un texte, et puis quand on le traduit en russe, ils essaient de regagner dans la traduction ce qu'ils ont perdu ou ce qu'ils ont concédé. Ça, ça prend encore une heure !"
La "complicité" Hollande-Merkel. Laurent Fabius l'assure : si l'accord a vu le jour, c'est surtout grâce à la bonne entente entre François Hollande et Angela Merkel. "Ce qui m'a frappé, plus que l'accord, c'est la complicité, dans le sens positif de ce terme, entre le président français et la chancelière allemande", a-t-il expliqué. Et d'ajouter : "quand vous vivez des choses comme ça, c'est quelque chose qui reste toute la vie".
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