Comme un ultime pied de nez à Kiev. Une semaine après les élections législatives en Ukraine, c'est au tour des habitants de la zone sécessionniste de glisser des bulletins dans l'urne pour choisir leurs représentants et leur président. Les républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk votent ce week-end pour mettre en place des instances politiques. Les pays occidentaux ont d'ores et déjà prévenus qu'ils ne reconnaîtraient pas le scrutin. Mais cela n'empêche pas un semblant d'Etat de se dessiner depuis que cette zone est tombée aux mains de rebelles pro-russes.
L'administration, tout un symbole. Quand les frémissements d'insurrection se transforment en véritable contre-révolution, les objectifs des rebelles de l'Est ukrainien sont évidents : prendre les bâtiments publics. Rapidement, les drapeaux sécessionnistes flottent sur les administrations locales, comme à Donetsk. Dans le magazine Vice un de ces rebelles soulignait également l'importance d'apposer sur un document un tampon aux armes de la République populaire de Donetsk. "Ce tampon est très symbolique", assurait ce chef du département anti-corruption de l'Etat autoproclamé.
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Police autoritaire, "justice" arbitraire. Des drapeaux et un tampon, c’est un premier pas, mais pas suffisant. Des groupes de rebelles ukrainiens ont donc pris le contrôle de l'administration de Donetsk, imposant parfois des décisions arbitraires dans une certaine désorganisation. Printemps russe, un média pro-russe, rend ainsi compte des méthodes de ces forces de sécurité avec des "enquêtes" sur des crimes violents menées, parfois, avec amateurisme par des hommes en treillis, et devant la caméra. Les suspects sont immédiatement désignés comme coupables.
Une rentrée des classes avec un mois de retard. La République populaire de Donetsk tente aussi de convaincre de son statut d'Etat - qui lui est refusé - en faisant fonctionner un semblant d'administration. "Les nouveaux dirigeants de la région tentent de créer un sens de la normalité et les signes extérieurs d'un Etat en fonctionnement", écrit le Moscow Times, au moment de la rentrée des classes, début octobre, avec un mois de retard. Mais selon le journal russe, les quelques élèves qui n'ont pas fui la guerre doivent désormais suivre un nouveau programme, qui évite autant que possible de mentionner l'Ukraine et se concentre sur l'histoire de la Russie et des régions séparatistes, le tout enseigné autant que possible en russe.
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Donetsk et Lougansk perdent contrôle. Pourtant, malgré ces bribes d'administration, à Odessa, une autre ville de l'Est du pays, "il n'est pas évident de savoir qui contrôle" la ville, peut-on lire dans un reportage du magazine allemand Der Spiegel. "Il n'y a pas de signes d'autorité étatique et les gens semblent simplement attendre de voir ce qui va se passer, même quand la ville décline autour d'eux", décrit l'hebdomadaire.
Aujourd'hui, explique pour Europe 1 Andrew Wilson, auteur de Ukraine crisis (non traduit), certains anciens fonctionnaires ont repris leur place dans les bureaux, désormais sous l'autorité que s'est octroyée Aleksandr Zakhartchenko, Premier ministre autoproclamé. Mais, continue le spécialiste de l'Ukraine, "si l'on pose la question de la réalité concrète de la République populaire de Donetsk, la réponse est : 'elle est très limitée'".
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Les rebelles occupés aux élections. "Les services publics s'effondrent", continue Andrew Wilson. Avec les bombardements de l'armée ukrainienne, les réseaux d'eau et d'électricité ont été sérieusement endommagés. Michel Joli, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), explique pour Europe 1 qu'à Lougansk, l'ONG fait beaucoup de sanitation, c'est-à-dire "réparer les adductions d'eau et les systèmes d'eaux usées". "Visiblement, personne ne le fait, à ce stade", continue le porte-parole, qui insiste également sur le travail de réparation des infrastructures de santé et de prise en charge des 460.000 déplacés internes dans le pays. Que ni Kiev, ni Donetsk ou encore Lougansk n'arrivent à assumer.
Alors que le rude hiver ukrainien approche, les deux républiques séparatistes et leurs commissions électorales semblent plus occupées à leurs élections législatives et présidentielle. Les déplacés pourront voter sur internet, ont-ils promis. Ce n'est pas la première fois que les régions contrôlées par les rebelles organisent un scrutin. En avril dernier, déjà, un référendum sur l'indépendance s'était tenu dans des conditions dénoncées par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). A l'époque, le vote à bulletin secret ne semblait pas avoir cours. Cette fois encore, peu importe le déroulé du scrutin dans cette région séparatiste qui se cherche, la légitimité internationale ne sera pas au rendez-vous.