Ukraine : comment un Boeing 777 a-t-il pu être abattu ?

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Damien Brunon , modifié à
LES QUESTIONS - Le crash sur le sol ukrainien du vol MH17 de la Malaysian Airlines, jeudi, soulève de nombreuses interrogations.

L’INFO. Alors que les forces de Kiev tentent de reprendre Donetsk, le fief des rebelles pro-russes, un Boeing 777 de la Malaysian Airlines a été détruit en plein vol, jeudi, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de la ville en territoire ukrainien. 298 personnes étaient à bord, principalement des Néerlandais. Personne n'a survécu au crash. Depuis l’annonce du crash de ce vol MH17 en provenance d'Amsterdam, les autorités ukrainiennes, rebelles et russes se rejettent la faute.

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• Mais que faisait un avion civil dans cette zone ?

Le vol MH17 de la Malaysia Airlines détruit volait à environ 10.000 mètres du sol sur un axe aérien qui n'avait pas été détourné par les autorités aériennes du pays. Il circulait sur une voie aérienne très utilisée pour rallier l'extrême-Orient, une “autoroute” aérienne, selon les mots de Bernard Chabbert, le spécialiste aéronautique d’Europe 1. Même si le conflit s’est intensifié ces derniers mois dans la région, cela ne justifiait pas jusque-là que les avions changent de leur route pour se rendre en Asie.

Ces derniers jours, deux avions militaires ont été détruits au dessus de la zone de conflit. Cette situation aurait pu faire penser aux autorités qu’il valait mieux détourner les aéronefs civils de cette région. Ce qui n'a pas été le cas. “Il y a un arbitrage qui est fait pour savoir si telles ou telles routes aériennes, qui sont balisées et connues, sont dangereuses ou pas. Peut-être qu’il y a eu une erreur d’interprétation par rapport à la situation”, analyse le spécialiste d’Europe 1.

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“Qu’il y ait des combats au sol, c’est une chose, mais les voies aériennes sont surveillées par des systèmes radars civils qui assurent une certaine sécurité en temps réel. A partir du moment où une zone devient véritablement dangereuse, comme c’est le cas maintenant, on va détourner tout le trafic”, ajoute Bernard Chabbert. C'est d'ailleurs le cas, après le crash : le gouvernement français a demandé aux compagnies aériennes françaises d'éviter désormais l'espace aérien ukrainien, Air France avait déjà annoncé juste après l'annonce de la disparition du Boeing de la Malaysia qu'elle ne ferait plus voler ses avions au dessus de l'Est de l'Ukraine. La compagnie allemande Lufthansa a elle aussi annoncé qu'elle contournerait "largement" l'Ukraine.

• Quel matériel faut-il pour abattre un tel avion ?

Des responsables américains, sous le sceau de l’anonymat, ont rapidement fait circuler l’hypothèse d’un missile sol-air SA-11 de l’époque soviétique responsable de l’explosion de l’avion de ligne. Les Russes ont commencé la fabrication des missiles Buk dans les années 70, que l’Otan qualifie de SA-11 ou SA-17, selon le type. 

“La raison pour laquelle les avions de ligne volent à 10.000 mètres d’altitude, c’est pour les mettre aussi hors de portée de Man Pad, ces petits missiles qu’on tient sur l’épaule”, décrypte Didier François, spécialiste armée d’Europe 1. En effet, ce type d’équipement n’est capable de tirer qu’à une distance maximale de 5.000 mètres. C’est d’ailleurs grâce à ce type d’équipement qu’ont été abattus les deux avions militaires ukrainiens ces derniers jours.

“Pour tirer à 10.000 mètres, il faut passer à du missile lourd (capables de frapper avions, drones, hélicoptères, ou encore d’autres missiles, ndlr.). Ces missiles sont installés sur des camions à chenilles blindées et sont accompagnés de stations de tirs et de radars qui demandent une véritable formation”, précise Didier François.

Didier François : "Pour tirer à 10...par Europe1fr

Il est néanmoins également possible que l’avion ait été abattu en vol par un autre avion. Ce cas paraît, cela dit, moins probable pour Didier François. “Cela représente une agression délibérée et ce genre d’intervention laisse des traces. Les autorités russes, ukrainiennes ou celles de l’OTAN auraient la réponse”, conclut le spécialiste armée d’Europe 1.

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• Mais alors, qui a pu tirer ?

C’est bien la question principale qui se pose après le crash de cet avion. Si les autorités ukrainiennes, rebelles et russes assurent qu’elles n’ont pas agit, il semble clair qu’une attaque sol-air ne pourrait provenir que des seules armées officielles ukrainiennes et russes et non pas des rebelles pro-russes du Dombass. Dans une interview actuellement diffusée en boucle à la télévision russe, Alexander Borodaï, le gouverneur de la République autoproclamée de Dontesk, affirme d’ailleurs ne pas disposer du matériel adéquat pour réaliser ce type d’attaque.

Sauf que depuis le début de l’insurrection, des armes russes, sans qu’on sache exactement lesquelles, passent la frontière pour renforcer la capacité de frappe des séparatistes. Ainsi, Kiev accuse les Russes d’avoir "offert" des missiles aux insurgés. Autre hypothèse, les séparatistes se seraient emparés de missiles ukrainiens dans la région de Donetsk, comme ils l’affirmaient fin juin sur leur compte Twitter. Le message a depuis été supprimé.

Si les Russes n’ont encore joué aucun rôle officiel dans ce conflit, leur armée, massée depuis plusieurs semaines à la frontière ukrainienne, pourrait être en situation de lancer une telle attaque. Mais le président Barack Obama a affirmé que le missile avait été tiré depuis le territoire géré par les rebelles.

Les services de renseignements occidentaux, mais également russe et ukrainien, doivent encore éclaircir l’origine de ce tir de missile, notamment grâce à des images satellites. L’Otan a déclaré que deux de ses appareils de surveillance Awacs étaient en opération au-dessus de la Pologne et de la Roumanie "à l’heure de l’accident". Les données de leur vol étaient vendredi en cours d'examen, mais "en raison de la grande distance séparant la route des Awacs de la zone où l'avion s'est écrasé, nous ne nous attendons pas à ce que nos appareils aient enregistré l'accident", a affirmé un responsable de l’alliance atlantique.