A 750 kilomètres de Kiev, Debaltseve est devenue ville morte. Respirant avec peine sous les bombes, ses habitants sont terrés dans des caves sans eau, ni lumière ou chauffage dans le rugueux hiver ukrainien. Depuis plusieurs jours, on assiste à une nouvelle escalade de violences dans l’est de l’Ukraine. Le conflit qui oppose les rebelles pro-russes aux forces armées de Kiev n’a jamais cessé de tuer, depuis neuf mois. Pourquoi alors les deux camps ont-ils repris les combats de plus belle ?
• L’armée recule, les rebelles en profitent
C’est un aéroport complètement détruit qu’ont récupéré les séparatistes. Le 23 janvier, l’armée ukrainienne a perdu la bataille stratégique de l’aéroport de Donetsk. Depuis le début de la guerre, les deux camps tentent de garder en main ce site qui ressemble désormais à une ruine. Symboliquement, les pro-russes se sont retrouvés avec une belle victoire qui leur a donné de l’énergie.
Dans la foulée, ils se sont lancés à l’assaut de Marioupol et de Debaltseve. La ville de 25.000 habitants se trouve entre Donetsk et Lougansk, les deux bastions séparatistes implantés dans l’est de l’Ukraine. Pour l’instant, la localité resterait dans les mains de l’armée mais elle est encerclée par les hommes armés sécessionnistes. Les bombardements ukrainiens et les tirs de lance-roquettes rebelles s’enchaînent, faisant des dizaines de victimes militaires mais aussi civiles. D’après le chef loyaliste de la police à Donetsk, un enfant de 3 ans a été tué à Bougleguirsk, près de Debaltseve. Depuis ce week-end, près de 70 personnes sont mortes. Le bilan total du conflit s’élève à plus de 5.000 morts.
• Un espoir de paix puis un regain de guerre à Minsk
Les rebelles sont ainsi arrivés ragaillardis à Minsk en Biélorussie, le week-end dernier, pour un round stratégique de négociations de paix. Des représentants des rebelles et du pouvoir en place à Kiev se sont rencontrés, sous l’égide de la Biélorussie et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), afin de trouver une solution pacifique au conflit. Ce fut un échec.
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A peine quatre heures après le début des discussions, les séparatistes et les représentants de Kiev se sont séparés sans aucun accord. Selon le négociateur ukrainien, les rebelles se sont contentés de lancer un ultimatum. Du point de vue des séparatistes, Kiev insiste sur une ligne de partage des territoires définie en septembre, qu’ils n’estiment plus valide au regard de leurs avancées militaires.
Ironiquement, le nerf de guerre se trouve désormais dans un précédent accord de paix. Il y a cinq mois, les pro-russes et le pouvoir ukrainien s’étaient entendus sur des accords considérés par la communauté internationale comme une base de règlement du conflit. Désormais, ce pacte est considéré comme caduque par les rebelles, qui veulent le réviser à tout prix.
Alexandre Zakharchenko, leader des séparatistes de Donetsk, avait prévenu : si aucun consensus n’était trouvé, il lancerait une opération d’envergure pour rallier Donetsk et Lougansk. Désormais, il veut que la totalité du Donbass ukrainien se trouve sous égide pro-russe. Lundi, il a annoncé une mobilisation générale de 100.000 hommes pour mettre son dessein à exécution.
• Les alliés des uns et des autres s’agitent
Face à cette accélération soudaine, la communauté internationale s’inquiète. Le président russe Vladimir Poutine s’est dit "extrêmement préoccupé", même si un haut responsable du Kremlin a estimé "compréhensible" la mobilisation générale "étant donné l’intensité des combats". François Hollande, la chancelière allemande Angela Merkel et le président ukrainien Petro Porochenko ont tout trois demandé un cessez-le-feu immédiat. En réponse, Kiev a décidé mardi de restreindre la possibilité pour les citoyens russes la possibilité de se rendre en Ukraine.
L’Otan et les Etats-Unis semblent également soucieux. Ils réfléchiraient à envoyer des armes létales en soutien à l’armée régulière. Jusqu’à présent, les envois de matériels s’étaient concentrés sur ce que l’on appelle de "l’assistance militaire", comme des radars, des gilets par balles ou encore du matériel médical. Mais aucune décision n’est pour l’heure prise sur ce mouvement stratégique extrêmement risqué. Un porte-parole du département d’Etat américain, l’équivalent du ministère des Affaires étrangères, a déclaré que personne ne veut "d’une guerre par procuration".