Ukraine : quel scénario pour la Crimée ?

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INTERVIEW - Alexandra Goujon, spécialiste de l’Ukraine, décrypte les enjeux de la crise dans cette péninsule.

L’INFO. Depuis jeudi matin, le drapeau russe flotte sur le Parlement de Crimée. Cette péninsule russophone fait pourtant partie de l’Ukraine, mais depuis la chute du président Viktor Ianoukovitch, les tensions y sont vives. Jeudi matin, à Simféropol, capitale de la région, un commando armé pro-russe a pris le contrôle du Parlement, qui a annoncé la tenue le 25 mai d’un référendum pour plus d’autonomie.

>> Alexandra Goujon, maître de conférence à l’université de Bourgogne, politologue et spécialiste de l’Ukraine, examine les différents scénarios envisageables en Crimée.

La Crimée, qui faisait autrefois partie de la Russie, puis de l’URSS, avant d'être rattachée à l’Ukraine en 1954, peut-elle faire sécession ? A plusieurs moments, la situation politique en Crimée a été critique, mais finalement, il n’y a jamais eu de sécession. Au début des années 1990, la Crimée a adopté ses propres lois et négocié un statut particulier. Actuellement, c’est une république autonome, au sein de l’Ukraine, avec des compétences et des institutions spécifiques. Aujourd’hui, les tensions viennent du fait que le changement au niveau du pouvoir central s’est fait rapidement, avec une force politique considérée comme nationaliste. Et en Crimée, la plupart des habitants s’informent via les médias russes, qui mettent en avant le fait qu’il y a au pouvoir des extrémistes. Cela peut inquiéter les autorités de Crimée, qui pensent peut-être qu’ils risquent de perdre de l’autonomie.

Crimée, pro-russes et partisans du nouveau pouvoir

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Comment interpréter les événements de jeudi ? Sur ce qui se passe aujourd’hui, on n’a pas tous les éléments et il faut être extrêmement prudent. Au petit matin, des dizaines d’hommes armés, dont on ne sait pas qui ils sont, sont entrés dans le Parlement. La session parlementaire qui s’est ouverte à 14 heures a décidé d’organiser un référendum le 25 mai, date des élections présidentielles en Ukraine, sur le statut de la Crimée. La question aurait notamment pour objectif d’augmenter éventuellement les pouvoirs de la république autonome de Crimée.

Quel est le rôle de la Russie dans cette crise ? Les enjeux sont extrêmement importants. La Crimée est une station balnéaire, où un certain nombre de personnalités russes possèdent des maisons. Mais surtout, il y a la question de la flotte de la mer Noire. La Russie dispose d’un bail pour cette base militaire sur le sol ukrainien, en Crimée. Le bail signé au moment de l’indépendance courait jusqu’en 2017. Quand Viktor Ianoukovitch est arrivé au pouvoir, il a prolongé ce bail jusqu’en 2042, avec la possibilité d’aller jusqu’en 2047. Il n’est pas exclu que les nouvelles autorités ukrainiennes remettent en cause cet accord.

La flotte russe en Crimée, Ukraine

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Peut-on imaginer que la Russie se lance, comme en 2008 en Géorgie, dans une intervention militaire en Crimée ? Tout est envisageable, mais pour l’instant ce n’est pas du tout le scénario auquel croient les élites politiques ukrainiennes. Je ne pense pas que la Russie s’engage dans un conflit. Par contre, il y a l’idée de déstabiliser l’Ukraine, ça c’est évident.

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Que peut faire le nouveau gouvernement de Kiev ? Les dirigeants ukrainiens sont inquiets et prennent la situation au sérieux. On vient tout juste de nommer un gouvernement, ce qui permet éventuellement au président par intérim de se rendre en Crimée. Le nouveau pouvoir va peut-être donner des gages à la Crimée, en lui disant que son autonomie n’est pas contestée. Les dernières déclarations, notamment celles du Premier ministre au moment de son investiture, mettaient l’accent sur le fait qu’il n’y aurait pas de remise en cause de l’usage de la langue russe en Crimée. Cela va peut-être permettre de désamorcer la crise.

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