REVUE DES TROUPES. Les opposants au président Viktor Ianoukovitch ont fait face aux tirs à balles réelles jeudi. Les corps ont été alignés dans les hôpitaux de campagne tandis que les opposants politiques négociaient avec le président. Alexis Sigov, un étudiant sur la place Maidan, expliquait vendredi matin sur Europe 1 que l’unité totale est "impossible dans une révolution". Le seul point commun des tous les "Euro-Maïdan", selon lui, est de vouloir "changer le pays, aller vers la démocratie et les droits de l’Homme." Alors, qui sont ceux qui ont payé de leur engagement de leur vie ? Qui sont ceux qui les pleurent, les soignent ou négocient en leur nom ?
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Le gros des troupes, le poing levé. Devant la scène de la place de l’Indépendance, ce sont surtout "des gens normaux, tranquilles : étudiants, paysans, intellectuels, de toutes les générations", explique Alexis Sigov. Des femmes en talons et manteaux à fourrure entassent les pavés, armes ultimes contre les policiers.
A l’origine rassemblées dans une mouvement pro-européen, ces manifestants ont changé d’état d’esprit, en trois mois. L’Union européenne est devenue le cadet de leurs soucis. Aujourd’hui, c’est la tête de Ianoukovitch qu’ils veulent. "Ce n'était pas le cas avant, mais avec le sang dans les rues de Kiev, c'est devenu notre obstination", raconte l’étudiant ukrainien. Leur engagement est celui d’une "révolution démocratique, peut-être une révolution d'un nouveau type."
Parmi les opposants, on trouve une partie de volontaires, qui assurent la vie quotidienne de la place Maïdan : des infirmiers, des médecins, mais aussi des avocats et des juristes ou encore des intendants, chargés de nourrir les troupes dans le bâtiment de la mairie.
Les radicaux, au front. En première ligne des barricades, les plus téméraires font souvent parti de la frange radicale de l’opposition à Ianoukovitch. Parmi eux, des manifestants déterminés, mais aussi des nationalistes et des têtes-brûlées. Dans ce sous-groupe également hétérogène, l’extrême-droite de Pravyi Sektor tient le haut du pavé. Ces radicaux ont commencé à se faire connaître au mois de janvier et organisent la défense armée de la place Maïdan. Les bâtons et cocktails molotov ont parfois laissé place aux gâchettes. Leur chef Dmytro Yarosh se ventait d’avoir bientôt des armes, dans la Presse, le site d’informations canadien. Mais "Praviy Sektor est une organisation parapluie, elle compte plusieurs électrons libres", précise Sophie Lambroschini, historienne installée à Kiev.
Pravyi Sektor et son cousin plus pacifiste Spilna Sprava rejettent l’influence de la Russie aussi bien que la main tendue européenne. Leur credo : la défense de la patrie.
L’opposition politique, en arrière-plan. Quel rôle joue alors cette opposition politique, consultée pendant les négociations entre le pouvoir ukrainien et les Européens ? "L'opposition n'est pas au coeur de la manifestation, mais plutôt entre le pouvoir et les manifestants", explique Alexandra Goujon, maître de conférences à l’université de Bourgogne et politologue spécialiste de l’Ukraine. Vitali Klitschko, l’ancien boxeur reconverti en homme politique, représente Oudar, une de ses trois franges. A ses côtés, Arseni Iatseniouk représente le parti de l’opposante emprisonnée Ioulia Timochenko. Enfin, les nationalistes engagés en politique se regroupent autour d’Oleg Tiagnibok, du parti Svoboda. Ces derniers avaient été écartés des négociations politiques avec Viktor Ianoukovitch au mois de janvier.
Intégrés au processus de négociations internationales, ils ne représentent pas les manifestations de Maïdan dans leur ensemble. "S'ils [cherchaient des positions de pouvoir], ils seraient considérés comme des traîtres par les manifestants et n'auraient aucune chance aux prochaines élections", estime Alexandra Goujon.
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