Les 17 et 18 juin derniers, il a obtenu 13 millions de voix des électeurs égyptiens. Et pourtant, Mohamed Morsi le tout nouveau président égyptien, n'aurait jamais dû être candidat. Candidat de "rechange" des Frères musulmans, il a essayé de modérer son discours pour convaincre les partisans de la révolution.
Candidat au pied levé
La confrérie musulmane avait initialement choisi comme représentant l'homme d'affaires Khaïrat al Chater. Mais sa candidature avait été invalidée en avril, en raison de deux condamnations à des peines de prison à l'époque d'Hosni Moubarak, qui n'avaient pas été effacées de son casier judiciaire. Mohamed Morsi a donc été propulsé candidat au pied levé.
L'ingénieur de 60 ans a tenté tout au long de sa campagne d'échapper à son image de "roue de secours" des Frères musulmans et de développer son image de compétence sur les dossiers techniques. Avant le premier tour, il s'est surtout tourné vers les électeurs conservateurs, multipliant les références à Dieu, au Coran et à Mahomet, et promettant à plusieurs reprises de mettre en place la loi islamique.
Mohamed Morsi a toutefois tempéré ses propos sur la charia, déjà citée dans la Constitution égyptienne, éludant par exemple une question sur le port du bikini sur les plages touristiques de la mer Rouge. Selon lui, il s'agit d'un sujet "très marginal" destiné à être examiné par des spécialistes du secteur.
Défenseur de "la révolution du 25 janvier" ?
A l'issue du premier tour, Mohamed Morsi s'est retrouvé opposé à Ahmed Chafik, considéré comme le candidat de l'armée et du régime de Moubarak. Il a alors libéralisé son discours et s'est présenté comme le défenseur de "la révolution du 25 janvier". "Nous faisons face à un moment décisif de notre histoire, nous devons mettre fin à la farce de l'ancien régime", a déclaré Mohamed Morsi lors de l'un de ses derniers entretiens télévisés avant le second tour. "Nous ne pouvons pas permettre le retour de l'ancien régime."
Sa crédibilité a néanmoins été mise en doute par d'anciens révolutionnaires et il n'a presque pas engrangé de soutiens hors des formations islamistes. Mohamed Morsi s'est toutefois efforcé de calmer les craintes quant à une arrivée au pouvoir des islamistes. Il a assuré au cours de la campagne du second tour que son gouvernement protégerait la liberté de la presse et les droits de la minorité chrétienne qui représente un dixième de la population égyptienne.
Rassurer l'armée
Il a également cherché à rassurer l'armée qui gouverne l'Egypte depuis la chute d'Hosni Moubarak, à travers le Conseil suprême des forces armées (CSFA). Mohamed Morsi s'est engagé à nommer son ministre de la Défense en accord avec les militaires, et à conserver à l'armée un rôle "protecteur", lors de la nécessaire restructuration du ministère de l'Intérieur, portant encore la marque de l'ère Moubarak.
Ces promesses n'ont pas empêché le CSFA de dissoudre le parlement dominé par les islamistes, juste avant le second tour, et de s'arroger le pouvoir législatif, ce qui a considérablement réduit les pouvoirs du futur président. C'est finalement Mohamed Morsi qui occupe ce poste et se voit confronté à la question de la véritable marge de manoeuvre d'un président islamiste, quelques semaines après avoir cité la peur du jugement dernier comme raison de sa candidature. "Nous avons peur que Dieu nous demande, le jour de rendre des comptes: 'Qu'avez-vous fait quand vous avez vu que le pays avait besoin de sacrifices et d'efforts?'", avait-il déclaré.