Il a flotté un petit air de Fox News mercredi soir sur la BBC. Dans le cadre de l’émission "The One Show", Jéremy Clarkson, l’un des journalistes vedettes de la chaîne publique britannique, a commenté à sa façon la grande grève de plus d’un million d’employés du secteur public dans la journée : "Moi, je les ferais tous fusiller", a-t-il lancé, déclenchant quelques rires et une moue dubitative des deux animateurs de l’émission. "Je les ferais sortir et je les ferais exécuter devant leurs familles". Pourquoi une telle haine ? "Je veux dire par là qu'ils se mettent en grève, alors qu'ils ont des retraites en or, tandis que nous, nous devons aller travailler", s’est justifié le journaliste sur le coup.
Jérémy Clarkson fustige les grévistes :
Mais la BBC n’est pas FoxNews. Ce qui est acceptable sur la chaîne américaine ultraconservatrice ne l’est pas sur le service public britannique. Et la sortie de Jeremy Clarkson a déclenché une très vive polémique outre-Manche. Vendredi matin, la BBC indiquait avoir déjà reçu 21.335 plaintes de téléspectateurs en colère.
Cameron, des propos "stupides"
Les syndicats se sont également montrés furieux. "L'émission est diffusée à une heure de grande écoute, devant des enfants", a souligné Dave Prentis, secrétaire général du syndicat Unison. "Les excuses ne suffisent pas, nous appelons la BBC à le licencier". "Il a parlé quasiment comme Kadhafi aurait parlé des manifestants" contre son régime, s'est pour sa part emportée la numéro deux du syndicat, Karen Jennings.
L’affaire est même remontée jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat. Le Premier ministre Gordon Brown, un ami personnel du journaliste, a qualifié ses propos de "stupides". "Je suis sûr que ce n’est pas ce qu’il voulait dire", a espéré le locataire du 10, Downing Street. Quant à Ed Miliband, leader du Parti travailliste, il a fustigé des propos "disgracieux et repoussants".
Pas sa première déclaration tapageuse
Le dérapage verbal est toujours abondamment commenté par les journaux britanniques, même deux jours après les faits. Dans un article, le Guardian jugeait que "la grande bouche avait encore frappé". Car Jeremy Clarkson n’en est pas à sa première déclaration tapageuse. Connu dans le monde entier pour son émission consacrée à l’automobile Top Gear, le journaliste avait ainsi déploré que les patrons de chaînes de télé soit friandes de "femmes musulmans lesbiennes" pour contrebalancer le nombre d’hommes blancs hétérosexuels présents sur les ondes.
Il s’en était aussi pris aux immigrés albanais, qui viennent "travailler en Angleterre, gagnent de l’argent, s’achètent une voiture et retournent au pays avec". Mais son dérapage le plus célèbre, jusqu’alors, concernait l’ancien Premier ministre Gordon Brown, aveugle d’un œil et qu’il avait qualifié de "borgne écossais idiot" ("One-eyed Scottish idiot").
Cette fois, face à la condamnation quasi-unanimes de ses propos, Jeremy Clarkson, peu coutumier du fait, s’est répandu en excuses. "J’ai gravement offensé certaines personnes", a-t-il reconnu dans The Sun, qui l’emploie pour une chronique. "J’espère qu’ils trouveront la force de me pardonner." Le journaliste a également précisé que dans la même déclaration, il défendait les grévistes. Et que c'est par souci d’impartialité qu’il s’est ensuite permis de les attaquer avec une telle violence.
Ces excuses ont finalement été acceptées par le syndicat Unison, qui n’appelle plus à sa démission. "Il a reconnu qu’il était allé trop loin et nous l’invitions désormais à passer une journée avec un travailleur médical, afin de voir lui-même le genre de prestations qu’il délivre", a expliqué à la BBC la numéro 2 de l’organisation, Karen Jennings. "Je suis sûre que ça va beaucoup lui plaire", a-t-elle conclu.