L'INFO. L'idée d'une partition n'est plus tabou en Centrafrique. Elle a même été évoquée par le "premier" diplomate de la planète, Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU. La raison ? L'animosité toujours aussi grande entre milices d'autodéfense anti-balaka majoritairement chrétiennes et musulmans (balaka). "La brutalité sectaire est en train de changer la démographie du pays, la partition de facto de la RCA est un risque avéré", a-t-il affirmé sans ambages.
La tension n'est pas retombée dans ce pays qui fait face à une crise humanitaire sans précédent. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, s'est rendu mercredi sur place pour afficher la détermination de Paris à faire cesser les exactions. A son arrivée, le ministre a affirmé que "personne n'acceptera une partition". De son côté, la présidente par intérim Catherine Samba Panza a assuré vouloir "aller en guerre" contre les anti-balaka.
Des violences et des pillages qui ne s'arrêtent pas. Il y a urgence car le pays continue de s'enfoncer dans la crise. Les forces française (1.600 hommes) et africaine (5.400 hommes), qui agissent sous l'égide de l'ONU, ne sont toujours pas parvenues à mettre fin aux violences meurtrières et aux pillages. Cela se traduit par un exode de civils musulmans fuyant des régions entières du pays pour chercher refuge essentiellement au Tchad et au Cameroun voisins.
Selon l'ONU, 1,3 million de personnes, soit plus d'un quart de la population de Centrafrique, ont besoin d'une assistance alimentaire immédiate, en particulier dans les camps de déplacés où s'entassent plus de 800.000 personnes, dont plus de la moitié à Bangui.
Changement de ton à Paris. Mardi à Brazzaville, le ministre français de la Défense avait durci le ton contre les milices qui sévissent en Centrafrique, affirmant que les forces internationales étaient prêtes à mettre fin aux exactions, "si besoin par la force". "Il faut que l'ensemble des milices qui continuent aujourd'hui à mener des exactions, à commettre des meurtres, arrêtent", avait réclamé Jean-Yves Le Drian. Cette mise en garde explicite du ministre français traduit un net changement de ton depuis quelques jours envers les miliciens anti-balaka et les bandes de pillards qui continuent de sévir en toute impunité à Bangui.
Dès samedi, le commandant de la Misca (la force africaine), le général camerounais Martin Tumenta Chomu, leur avait adressé une sévère mise en garde. Lundi, c'est le commandant de l'opération Sangaris, le général Francisco Soriano qui a été encore plus direct en qualifiant les anti-balaka de "principaux ennemis de la paix" en Centrafrique et qui seront traités comme des "bandits".
Un "nettoyage ethnique" selon Amnesty. L'heure est grave, selon Amnesty International. Pour l'ONG, leurs exactions contre la minorité de civils musulmans relèvent désormais du "nettoyage ethnique". "Les soldats de la force internationale de maintien de la paix ne parviennent pas à empêcher le nettoyage ethnique des civils musulmans dans l'ouest de la République centrafricaine", écrit Amnesty, appelant la communauté internationale à "faire barrage au contrôle des milices anti-balaka et à déployer des troupes en nombre suffisant dans les villes où les musulmans sont menacés".
Amnesty cite ainsi le cas de Bossemptélé (ouest) où une attaque d'anti-balaka a fait "plus de 100 victimes parmi la population musulmane" le 18 janvier. L'ONG critique également "la réponse trop timorée de la communauté internationale", en jugeant que "les troupes internationales de maintien de la paix se montrent réticentes à faire face aux milices anti-balaka".
Ban Ki-Moon veut plus de soldats français. Pour faire face à cette situation sécuritaire chaotique, le secrétaire général des Nations Unies a invité la France à accroître ses effectifs militaires. "J'ai parlé hier avec le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et j'ai demandé à la France d'envisager le déploiement de troupes supplémentaires. J'exhorte d'autres Etats membres à contribuer également", a réclamé Ban Ki-Moon. L'Union européenne s'est engagée à envoyer 500 hommes supplémentaires et la présidente centrafricaine par intérim, Catherine Samba-Panza a demandé la transformation de la Misca en mission des Nations unies. Mais cela devrait prendre du temps.
Un pont aérien. En attendant que la situation s'améliore sur le terrain, la communauté internationale tente de réagir. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé mercredi un pont aérien entre Douala (Cameroun) et Bangui pour acheminer des vivres pour 150.000 personnes pendant un mois. Mais cela devrait être encore insuffisant. "C'est une opération assez exceptionnelle, la plus importante de nos opérations aériennes d'urgence puis longtemps, plus importante que pour la Syrie ou les Philippines", explique le porte-parole du PAM, Alexis Masciarelli. "Ça va nous faire un ballon d'oxygène, mais ça ne règlera pas le problème à terme", prévient-il.
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