La France avait visiblement mal évalué la situation tunisienne. Selon des documents diplomatiques obtenus par WikiLeaks et publiés mardi matin par 20minutes.fr, un an avant la chute du président tunisien Ben Ali, la France considérait la Tunisie comme "le pays le plus stable du Maghreb".
C’est ce qui ressort notamment d’un échange entre deux diplomates du Quai d’Orsay avec des confrères américains, en janvier 2010 et qui pourraient expliquer la frilosité de la France à réagir face à la révolution tunisienne, en décembre dernier.
"La Tunisie ne connaîtra pas de période de déstabilisation"
La raison ? Dans le câble diplomatique confidentiel, l’un des diplomates français explique que "la Tunisie a le taux de chômage le plus faible de la région et une bureaucratie qui fonctionne raisonnablement bien. L'économie tunisienne a une bonne réputation [...]". C’est pourquoi, assure-t-il, "la France ne croit pas que le pays connaîtra, à court terme, de période de déstabilisation, à part lors de la succession de Ben Ali".
Pour autant, un diplomate français note que la gouvernance de Ben Ali "contient des risques significatifs : le développement d'une classe moyenne qui réclame plus de liberté politique et le risque que la croissance du pays freine ou s'arrête. Si le gouvernement ne peut plus fournir une sécurité sociale et financière, il aura rompu son contrat tacite. Et sa population pourrait devenir moins docile".
"Je voyais ça dans 10 ans"
La France n’imaginait pas que le peuple tunisien serait capable de se révolter ainsi, il y a un an, comme le confirme un diplomate français interrogé par 20minutes. "Je voyais plutôt ça dans dix ans", assure-t-il. Mais, précise un ancien diplomate et conseiller Moyen-Orient à l'Institut français des relations internationales, Denis Bauchard, "ce mouvement a surpris tout le monde : diplomates, journalistes et les Tunisiens eux-mêmes".
Mais si la France n’a pas réalisé ce qui allait se passer, c’est pour une simple raison selon Jacques Lanxade, ancien ambassadeur à Tunis. "Les alertes du terrain ne remontaient pas jusqu'au Quai d'Orsay. On faisait la sourde oreille, on n'a pas pris la mesure de ce qui se passait", assure-t-il dans le quotidien gratuit. Et ce, parce que "de Mitterrand jusqu'à Sarkozy, la politique de l'Elysée a toujours été de soutenir Ben Ali. On le voyait comme un rempart à l'islamisme", conclut Denis Bauchard.