L'Arabie saoudite voit d'un très mauvais œil la situation se détériorer au Yémen. C'est pourquoi Ryad a lancé une opération militaire chez son voisin dans la nuit de jeudi. L'intervention qui implique "plus de 10 pays" se donne pour mission de défendre le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi. Ce dernier est en effet confronté à une rébellion de la milice chiite des Houthis. Pour les experts, le pays est le théâtre d'une guerre par procuration entre deux poids lourds de la région, l'Iran chiite et le royaume saoudien sunnite. Le risque est une désintégration du pays.
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• L'opération militaire
Les moyens engagés. L'opération militaire, à hauteur de 100 avions et de 150.000 hommes selon le média Al-Arabiya, "vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi de prendre le contrôle du pays", a expliqué l'ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, Adel al-Jubeir. "Vous avez une milice qui contrôle ou pourrait contrôler des missiles balistiques, des armes lourdes et une force aérienne. Je ne me rappelle aucune autre situation dans l'histoire où une milice dispose d'une force aérienne. C'est donc une situation très dangereuse", a fait valoir l'ambassadeur al-Jubeir.
Les pays impliqués. L'Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït, Bahreïn et les Emirats arabes unis ont indiqué dans un communiqué avoir "décidé de répondre à l'appel du président Hadi de protéger le Yémen et son peuple face à l'agression de la milice des Houthis". L'Egypte, le Maroc, la Jordanie, le Soudan et le Pakistan sont volontaires pour y participer, a ensuite rapporté l'agence saoudienne Spa. Les États-Unis, après avoir retiré ses troupes du Yémen dimanche pour des raisons de sécurité, ont indiqué qu'ils apportaient un soutien "en logistique et en renseignement" à l'opération.
La raison de son déclenchement. L'opération a été déclenchée dans la nuit alors que des forces alliées aux rebelles chiites se sont emparées mercredi de l'aéroport international d'Aden. Un ministre a averti qu'une chute de la grande ville du sud marquerait le "début" d'une guerre civile. Aden est le fief du président Hadi, où il s'était réfugié après la prise de la capitale Sanaa début février par les rebelles houthis. Jeudi, le président Yémen a quitté le pays pour rejoindre Ryad, la capitale saoudienne. Une simple étape puisqu'il devrait ensuite participer au sommet de la Ligue Arabe, qui se tiendra au Caire.
Le bilan provisoire. Les opérations se limitent pour le moment à des frappes aériennes sur différentes cibles au Yémen, mais d'autres forces militaires sont mobilisées et la coalition "fera tout ce qu'il faudra", a précisé l'ambassadeur saoudien aux États-Unis. Au moins treize personnes ont déjà été tuées dans un quartier résidentiel de Sanaa, touché par des raids aériens, a affirmé jeudi une source de la défense civile. Les attaques auraient stoppé aux premières heures de la journée.
Recherche de civils dans les ruines de maisons touchées par des bombardements près de la capitale Sanaa :
• Le contexte politique
Milices houtistes contre sunnites. Les Houthis constituent une milice rebelle engagée contre le président Hadi. Ils sont soupçonnés de liens avec l'Iran chiite mais aussi de soutien à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, poussé en 2012 au départ après 33 ans au pouvoir.
L'Iran et l'Arabie Saoudite s'affrontent par milices interposées. L'Iran a d'ailleurs condamné l'intervention de cette coalition dès jeudi dénonçant "une "démarche dangereuse violant les responsabilités internationales et la souveraineté nationale". L'action militaire va "encore plus compliquer la situation, étendre la crise et faire perdre les chances d'un règlement pacifique des divergences internes au Yémen", a déclaré la porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Marzieh Afkham, dans un communiqué. Le président Rohani a pour sa part condamné "l'agression militaire" dont est victime le Yémen.
Des conséquences sur les négociations sur le nucléaire iranien ? Alors que se tiennent en ce moment-même des négociations sur le programme nucléaire iranien entre Téhéran et le "groupe des 5" (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Allemagne), Washington a assuré que la situation au Yémen n'aurait "aucun impact" sur l'issue des pourparlers. François Hollande en a profité dans la foulée pour demander au président Rohani un accord "robuste, durable et vérifiable".
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