Sur les seules images que l'on a du chef de l’Etat islamique Abou Bakr al Baghdadi, on le voit en robe et turban noir guider la prière dans la mosquée Al-Nouri située dans la vielle ville de Mossoul. C’était en juillet 2014, la deuxième ville d’Irak venait de tomber depuis trois semaines aux mains du groupe djihadiste. Aujourd’hui, cette mosquée, extrêmement symbolique vient d’être reprise par l’armée irakienne et les habitants du quartier commencent à sortir. Notre reporter a rencontré un fidèle qui était présent dans la mosquée lors de la venue d'Abou Bakr al Baghdadi.
"On a senti que nos vies allaient se compliquer". Ce 4 juillet 2014, Yasser n'a pas conscience de la portée du prêche auquel il assiste. Comme tous les vendredis, le jeune homme de 25 ans traverse la rue qui sépare sa maison de la mosquée Al-Nouri. Devant l'entrée, il marque un temps d'arrêt : son lieu de culte est devenu forteresse. "Les portables étaient interdits et le réseau téléphonique était coupé ce jour-là. Internet aussi. 200 à 300 hommes armés étaient dans la mosquée. A l’entrée, on a dû soulever nos vêtements et on a été fouillés de la tête aux pieds. Abou Bakr a commencé son discours mais on ne savait pas du tout qui c’était. Il a dit : 'je ne vous promets pas le confort et la tranquillité, je suis là pour appliquer la religion et les punitions.' On ne comprenait pas ce qu’il voulait dire. On a juste senti que nos vies allaient se compliquer et que l’on n’allait pas pouvoir sortir de Mossoul."
Il évite l’enrôlement. Yasser ne s'est pas trompé et le calife au turban noir qu'il ne reverra jamais n'a pas menti. Au fil des mois, le groupe Etat islamique multiplie les interdictions et les meurtres. Yasser évite ses membres au maximum mais en âge de combattre, les djihadistes tentent de l’enrôler. "Ils me disaient 'rien ne doit compter pour toi en dehors de la religion. Tu mourras bientôt et tu seras un martyr qui aura la chance de voir directement Dieu. Pour l’instant tu n’as pas accès au martyr si tu meurs, comme les militaires de l’armée irakienne.' Je ne pouvais pas leur dire non directement, je me serais fait tué mais je leur disais 'Inch’allah, Inch’allah' (Si Dieu le veut)."
"Je n'ai jamais cru que je sortirai vivant". Il gagne du temps grâce cette formule jusqu'à l'offensive de l'armée irakienne dans la vieille ville. Il subit alors les combats caché dans une cave avec plusieurs familles. Il y a trois jours, il parvient à rejoindre les lignes irakiennes. Nous l'avons rencontré amaigri, éreinté, mais Yasser s'estime chanceux. "Je n'ai jamais cru", dit-il, "que je sortirai vivant du règne de l'Etat islamique."