Parodies de jeux télévisés, extraits de discours et d’émissions ou encore montages grotesques sur fond kitsch... Tout est matière à rire pour Ahmad et Joe. Voilà trois ans que ces deux jeunes Egyptiens ont créé "Joe Tube", une chaîne sur la plateforme vidéo YouTube, qui cartonne, au grand dam des autorités.
Dénoncer les absurdités du régime
Régulièrement les deux hommes postent des vidéos dans lesquelles ils critiquent, avec humour, les absurdités du régime du président Sissi, mais aussi celles de l’opposition. “Notre premier épisode se moquait des soi-disant libéraux en Egypte, spécifiquement du groupe Tamarrod (‘révolte’ en arabe), qui s’est levé contre Morsi et qui s’est avéré être avec l’armée et la police“, confient-ils au site du quotidien libanais L’Orient-Le Jour qui leur consacre un portrait mi-mai.
“Toutes les équipes sont une seule et même équipe (de Tamarrod), c’était l’idée de la première vidéo, on voulait se moquer de ça”, poursuit Amad. En seulement quelques jours la séquence a été visionnée plus de 500.000 fois. Depuis, les deux humoristes sont devenus une référence en matière de critique du régime et de dénonciation de la dérive sécuritaire en Egypte. Joe Tube est aujourd’hui la huitième chaîne YouTube la plus consultée au Moyen-Orient, explique L’Orient-Le Jour.
Bachar al-Assad, Sissi, Poutine, Obama : aucun dirigeant n’échappe à leur verve et leur humour potache. La plupart de leurs vidéos ont été vues plus de 2 millions de fois. Un succès qui a un prix. Les deux humoristes ont rapidement pris la décision de quitter l’Egypte pour leur sécurité.
”Nous ne pouvons plus rentrer en Egypte, on a pris de trop gros risques. Pendant des mois, nous attendions le moment où la police serait sur le pas de notre porte”, confie Ahmad à L’Orient-Le Jour. Quelques jours après leur départ, leur studio a d'ailleurs été perquisitionné.
Une Egypte censurée
Alors qu’un vent de liberté a soufflé sur l’Egypte lors des révolutions de 2011, l’arrivée au pouvoir Abdel Fattah al-Sissi en juin 2014 a été marquée par un durcissement du régime et une restriction des libertés. Très régulièrement des opposants, des blogueurs, sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison pour s’être opposés au président égyptien.
C’est le cas de l'icône de la révolution égyptienne Ahmed Douma, par exemple, condamné à la prison à vie, ou encore du blogueur Alaa Abdel Fatah, condamné à 5 ans de prison pour avoir manifesté contre la loi interdisant... les manifestations. Difficile dans ces conditions d’exprimer librement son opposition. A travers leurs vidéos satiriques, Ahmad et Joe offrent donc aux Egyptiens un nouvel espace de liberté d’expression.