Gage de démocratisation ou "ultime opération de marketing", comme le pressent El Watan ? La Constitution algérienne a été amendée pour la troisième fois en seize ans dimanche. Adoptée à main levée, non soumise à débat, elle inquiète les opposants à Abdellaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999. Comment expliquer la prudence et la réserve avec lesquelles la révision de cette Constitution est accueillie ?
- Elle était attendue depuis le Printemps arabe. Amendée dimanche, cette révision de la Constitution algérienne est pourtant sur les rails depuis avril 2011. Cette année-là, le Printemps arabe gagne l’Algérie et Abdelaziz Bouteflika, tente de le résorber en agitant la promesse d’une nouvelle Constitution. Une révision longtemps retardée, ce qui lui permettra de briguer un quatrième mandat en 2014, malgré un AVC en 2013. Ironie du sort, la Constitution révisée rétablit la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels.
- Elle prépare insidieusement la succession de Bouteflika. A l’aune de ses 79 ans qu’il célébrera en mars, le président algérien, très affaibli, donne l’impression de vouloir dessiner les contours du système qui lui succédera. En coulisses, le Premier ministre Abdelmalek Sellal se réjouit et salue d’ailleurs un président "architecte de la nouvelle République algérienne". Le texte prévoit notamment que désormais, le Premier ministre devra être issu de la majorité parlementaire.
- Elle constitue un "coup de force constitutionnel". La révision de la Constitution a été approuvée par 499 parlementaires, malgré les critiques de l'opposition. Pour les détracteurs du pouvoir en place, elle assoit le pouvoir du président et de ses collaborateurs. L'ancien Premier ministre d’opposition Ali Benflis, deux fois adversaire malheureux d’Abdelaziz Bouteflika, a dénoncé un "coup de force constitutionnel" pour "régler les seuls problèmes du régime politique en place et non ceux du pays".
- Elle offense les Franco-Algériens, et autres binationaux. En limitant l'accès à la haute fonction publique aux seuls mono-nationaux, le texte a suscité de vives réactions. Ainsi, la députée franco-algérienne, Chafia Mentalecheta, élue dans le Nord de la France, a boycotté le congrès du Parlement. L'Algérie possède en effet une très importante diaspora – plusieurs millions de personnes, notamment en France . Ces dernières semaines, des pétitions demandant le retrait de cette disposition de la Constitution se sont multipliées.