Les recherches n'ont toujours pas abouti, mais il est déjà l'heure de polémiquer. Et de trouver des responsables. La Marine et le gouvernement argentins sont sous un feu nourri de critiques depuis la perte du sous-marin militaire San Juan, qui n'a pas encore été retrouvé. Sa disparition depuis onze jours, à la suite d'une explosion, avec 44 membres d'équipage à bord que plus personne n'espère retrouver vivants, plonge les instances militaires et politiques du pays dans la crise.
Le gouvernement pointé du doigt. Le gouvernement, d'abord, est montré du doigt par les familles des victimes. Le président argentin, Mauricio Macri, est intervenu pour la première fois vendredi, près neuf jour d'inquiétude et d'angoisse, déclarant qu'il ne fallait pas chercher de coupables tant que le sous-marin n'avait pas été retrouvé et qu'une enquête "sérieuse et en profondeur" n'avait pas abouti. Selon lui, il faut déterminer "comment un sous-marin qui était en parfaite condition pour naviguer a été visiblement victime d'une explosion". Une enquête a été ouverte par la juge Marta Yáñez.
"Je me sens trompée". Mais déjà, des familles de sous-mariniers ont dénoncé des opérations de recherche trop tardives et des informations défaillantes. Celle concernant l'explosion n'a en effet été communiquée que huit jours après la disparition du submersible. L'annonce d'une avarie dans le système des batteries qui alimentent les moteurs du San Juan a, elle, attendu cinq jours. "Je me sens trompée", a déclaré, furieuse, Itati Leguizamon, avocate et épouse de Germán Suárez, en charge du sonar du San Juan. "Ce sont des pervers, ils nous manipulent." Pour le sociologue Ricardo Rouvier, la disparition du sous-marin pose la question d'une éventuelle "négligence, oubli ou désintérêt du pouvoir politique concernant les investissements dans l'armée".
Une purge à venir dans la Marine. L'armée elle-même est très critiquée. D'après la presse argentine, le gouvernement se préparerait à opérer une purge dans les hautes sphères de la Marine. Une sanction motivée tant par les événements eux-mêmes que leur gestion. Le ministre argentin de la Défense aurait en effet, selon les médias nationaux, appris dans la presse la disparition du sous-marin.
Un contexte historique très lourd. Les tensions entre le pouvoir et l'armée sont d'autant plus fortes qu'elles s'inscrivent dans un contexte historique particulier. Au même titre que les autres forces armées, la réputation de la Marine a été durement entamée "pour sa responsabilité (dans la répression) pendant la dictature de 1976 à 1983 et le fiasco de la guerre des Malouines", rappelle le sociologue Ricardo Rouvier. Après la dictature, bien des militaires ont pris place sur le banc des accusés lors de grands procès. "L'armée a été reléguée au second rang dans les institutions argentines et en termes de budget", explique Ricardo Rouvier. "Le phénomène de la disparition du sous-marin est donc une tragédie qui englobe la question du rôle des forces armées", jadis au centre de la politique et désormais en marge du pouvoir.