D'anciens dirigeants de Ford sont jugés mardi pour avoir permis la séquestration et la torture de 24 ouvriers dans une usine de la marque américaine à Buenos Aires, en 1976, alors que la répression militaire faisait rage en Argentine.
Un procès emblématique. De nombreux militaires, policiers et civils ont déjà été condamnés pour les crimes commis durant la dictature militaire, de 1976 à 1983, mais ce procès est emblématique car il compte mettre en évidence la complicité du monde l'entreprise avec la junte militaire.
Le numéro 2 de l'usine Ford, Pedro Müller, le chef de la sécurité de l'usine, Héctor Sibilla, ainsi que le patron du 4ème Bataillon de l'armée, Santiago Riveros, seront sur le banc des accusés. Le militaire est accusé de perquisition illégale, privation de liberté, menaces et mauvais traitements. Muller, 86 ans, et Sibilla, 91 ans, sont accusés de complicité, d'avoir apporté les moyens nécessaires pour commettre ces crimes. Deux autres accusés dans ce dossier, le patron de l'usine, Nicolás Courard, et le directeur des ressources humaines, Guillermo Galarraga, étant morts, ils ne seront pas jugés.
Des victimes torturées pendant douze heures. Certains des 24 employés étaient délégués syndicaux, les autres étaient de simples ouvriers, mais aucun n'était membre d'un des mouvements de guérilla que le régime militaire combattait. Selon les avocats de la partie civile, les victimes étaient arrêtées par les militaires en uniforme, à l'intérieur de l'usine de Pacheco, un faubourg situé au nord de la capitale argentine.
Elles étaient torturées pendant douze heures, avant d'être expédiées vers des commissariats puis des prisons. Les ouvriers ont été arrêtés entre le 24 mars 1976, date du coup d'État militaire, et août de la même année.
Quel rôle pour Ford ? "Les 24, nous avons été emprisonnés sur ordre de l'entreprise. Quarante ans après, c'est important que justice soit rendue. L'usine Ford de Pacheco a été un centre de détention et de torture. Et de Ford, nous n'avons rien reçu, pas un mot, pas un regret, rien de rien", dénonce une de victimes. En revanche, les familles des ouvriers disparus recevaient des lettres recommandées sommant les absents de se présenter à l'usine, puis une seconde leur notifiant leur licenciement, selon la partie civile.
Cette dernière considère que les responsables de Ford ont joué un rôle-clé dans l'identification des travailleurs ayant une activité syndicale, pour avoir mis à disposition des installations de l'entreprise, transformées en salle de torture, et des véhicules pour transporter les prisonniers.
La fin de l'impunité. Depuis 2005, après des années d'impunité, des centaines de tortionnaires et des agents de la répression, dont des anciens chefs de la junte comme le général Videla, ont été condamnés et emprisonnés en Argentine. Les militaires argentins dénoncent un acharnement de la justice à leur égard. Le "procès Ford" comme il est appelé en Argentine, devrait durer plusieurs mois. Il se tiendra devant le Tribunal fédéral de San Martin, une juridiction située à 20 km au nord de Buenos Aires.